On entend beaucoup sur la scène internationale que c’est la décennie de l’Afrique. Est-ce que vous pensez que l’Afrique a tout pour prendre son destin en main ?
Je sais que les indices ou les études semblent dire que, aujourd’hui, l’investissement en Afrique est plus porteur qu’ailleurs. Néanmoins, bien qu’on ait une richesse en termes de matériaux ou de ressources minières, il faudra vraiment mettre un accent sur les ressources humaines, notamment la formation pour obtenir des gens hautement qualifiés. Autrement dit, investir dans l’humain.
Et comment évaluez-vous le rôle du Togo dans la sous-région ?
C’est un pays charnière, un pays qui doit beaucoup mettre l’accent sur l’offre de services, un pays qui doit être le centre des affaires. On n’est pas suffisamment riche en ressources minières, mais je pense quand même que le sérieux et la volonté du Togolais peuvent mettre le Togo au premier plan d’offre de services, puisque, par le passé, on a eu des institutions bancaires qui ont été solides, un tourisme qui a été magnifique. Donc, disons que c’est sur le plan de l’offre de services que le Togo peut jouer un grand rôle.
Comme vous le savez, le Togo s’est lancé dans un vaste et ambitieux programme de construction et de modernisation des infrastructures, ce qui va montrer l’évolution du Togo. A votre avis, quelles seront les forces et les faiblesses du secteur du bâtiment et travaux publics au Togo ?
Comme forces, on peut dire que rien n’est encore construit au Togo, tout est à reconstruire. Donc, c’est un plein potentiel. Il y a aussi la volonté des jeunes entrepreneurs désireux de construire leur propre pays et, aujourd’hui, l’émergence d’une classe moyenne qui, de part sa formation aussi bien localement qu’à l’extérieur, maîtrise ce que c’est que l’art de la construction.
Maintenant, la grande faiblesse, c’est l’investissement. Pour construire, il faut investir. Le pays en lui seul manque d’investissement et je crois que c’est en cela qu’on doit faire la cour aux investisseurs privés et déboucher beaucoup plus sur des partenariats public-privés. C’est grosso modo ce que je peux dire pour ce secteur qui est plein d’avenir.
Le groupe est présent sur le marché depuis déjà vingt ans.
Vous avez triplé votre chiffre d’affaires et vous êtes en passe de devenir leader dans le secteur des travaux publics et de génie civil au Togo.
Comment faites-vous face à la concurrence et quels sont vos avantages compétitifs ?
Depuis 2011, avec l’avènement de la Direction nationale du contrôle des marchés publics et l’Autorité de régulation des marchés publics, il est désormais établi qu’il faudrait forcément passer par l’appel d’offres avant de gagner un projet. Et au rang des critères qui peuvent nécessairement nous permettre de gagner les appels d’offres, il y a le chiffre d’affaire, les travaux similaires, les références bancaires, les références techniques, etc. Nous avons quand même déjà en vingt ans un grand avantage sur les jeunes entreprises qui viennent de naître. C’est ce qui joue surtout pour les grands projets.
Qui sont vos concurrents directs au Togo ?
Actuellement, dans le domaine, il y a les entreprises GER, CECO, MIDNIGHT SUN, ENCOTRA, pour les grandes entreprises. Après, il y a des entreprises moyennes. Mais, on assiste aussi maintenant à une autre forme de concurrence, puisque le secteur est ouvert dans l’UEMOA, avec des entreprises qui viennent du Sénégal, du Burkina Faso, du Bénin et du Ghana. Et c’est en cela que nous avons un peu de faiblesse parce que, depuis dix ans, on n’a pas eu à engager de grands travaux tandis que dans d’autres pays, on avait déjà engagé de grands travaux. Donc, il y a un déséquilibre entre nos références et leurs références.
Et qui sont principalement vos clients.
Au Togo, c’est l’Etat en premier lieu. Après, les institutions bancaires, les organismes internationaux tels que la Banque mondiale, la BAD. Mais, on ne peut pas les appeler des clients, car ils financent et ils ne contractent pas directement avec nous. Nous avons la BOAD, les commerçants, les opérateurs économiques. On peut donc dire 80% public et 20% privé.
Est-ce que c’est important pour vous de développer le pourcentage de clients privés ?
Absolument, car aujourd’hui dans le souci du partenariat public-privé, l’Etat a commencé par céder, en forme de concession, des grands projets qui devaient être purement financés par l’Etat à des privés qui ont des moyens et qui, aujourd’hui quand ils arrivent, cherchent à travailler avec des entreprises qui sont déjà installées sur la place. C’est assez important pour nous de nouer ces contacts. C’est l’exemple du Terminal à conteneurs.
Comment faites-vous pour communiquer avec les entreprises privées qui désiraient éventuellement chercher quelqu’un pour construire un hôtel ? C’est quelque chose que vous pourrez faire ?
On en a déjà fait ici, mais pas pour des grands groupes internationaux, c’est pour des hôtels privés de moyenne classe (2 étoiles, 3 étoiles). Nous avons même participé à un appel d’offres pour l’hôtel ONOMO, mais à cause d’un problème de budget, ils ont préféré un autre que nous. PEFACO aussi nous a consultés.
Concernant votre dénomination, vous étiez une société à responsabilité limitée et, en 2012, vous devenez une société anonyme avec une augmentation du capital. Quel est votre chiffre d’affaires de l’année passée par exemple ?
Notre chiffre d’affaire en 2013 était de 3,200 milliards de francs Cfa, soit 5 millions d’euros.
Est-ce que vous pensez aller en bourse ?
On n’a pas cette culture actuellement mais, par ma propre lecture, c’est une initiative que j’apprécie positivement parce qu’elle va exiger la performance pour ne pas dégringoler après l’entrée en bourse.
Est-ce que votre société est 100% togolaise ?
Oui, comme moi-même je suis 100% togolais : je suis né sur le sol togolais, j’ai suivi mes études ici et je travaille aujourd’hui au Togo.
CENTRO est votre première société ?
L’histoire de CENTRO, c’est qu’on est passé par de petites unités qui se sont ensuite fédérées pour créer CENTRO. De formation, je suis ingénieur en génie civil. C’est ma première expérience. J’ai commencé par être un tâcheron, j’ai commencé par être une petite entreprise, une entreprise moyenne et aujourd’hui une grande entreprise.
Est-ce que vous pensez que c’est aussi le rôle des entreprises privées de soutenir les initiatives du Gouvernement qui visent à attirer les investisseurs au Togo ?
Absolument. Chacun a son compte à gagner ; je pense que cela a été même l’une des demandes des opérateurs économiques lors de la présentation des vœux au Chef de l’Etat pour que ceux-ci puissent avoir une visibilité à l’extérieur et que l’Etat facilite les contacts. Je pense qu’on a commencé puisqu’avec la Chambre de Commerce et le ministère des Affaires étrangères, il y a des foires qui s’organisent, il y a des rencontres « B to B » qui se font un peu partout dans les salons. A chaque fois que le pays est invité, on laisse un certain nombre de places aux opérateurs économiques qui désirent y participer. C’est comme cela qu’il y a des gens qui ont été à Singapour, en Inde, en Chine, à Bruxelles.
Et quel est le message final que vous pourrez envoyer aux investisseurs potentiels ?
Je leur dirai de venir parce qu’on a besoin d’eux pour construire le pays. Au Togo, contrairement à ce qui se dit, il y a la paix, la stabilité. La population est très jeune, c’est quand même important.