Mauritania: Interview with M.Mohamed Mahmoud Ould Moujtaba

M.Mohamed Mahmoud Ould Moujtaba

Directeur Général (Société Nationale De l’Eau)

2008-07-09
M.Mohamed Mahmoud Ould Moujtaba

Q : Pouvez-vous nous donner un court historique de la SNDE et un rappel de ses activités ?

R : L’histoire de la SNDE commence en 2001 par une séparation des entreprises de l’eau et de l’électricité, qui formaient la SONELEC. Cette séparation s’est faite dans le cadre d’une réforme des secteurs de l’eau, de l’électricité et de l’assainissement, dans le but d’une dérégulation du secteur de l’électricité. Dans les faits, la séparation n’a été effective qu’en 2003. Le décret créant la SNDE lui confie la mission de production, de transport, de distribution et de vente d’eau en milieu urbain. Elle gère aujourd’hui une vingtaine de villes.

Q : Pouvez-vous nous décrire la stratégie de développement de la SNDE ?

R : Elle est basée sur le développement du facteur humain. Nos deux ressources principales sont celle de l’eau et la ressource humaine. Nous avons assuré l’essentiel de la ressource en eau pour Nouakchott et pour Nouadhibou pour les prochaines années. Notre objectif principal est de renforcer l’organisation et les capacités en ressources humaines pour les années à venir. Nous avons établi à cette fin des partenariats avec des entreprises publiques. Nous souhaitons rendre la société efficiente en terme de ressources humaines.

Q : Une ville comme Nouakchott grandit très vite. Quels sont les projets en cours pour approvisionner la ville dans les années futures ?

R : Elle est actuellement approvisionnée depuis un champ captant situé à une soixantaine de kilomètres par deux adductions relativement anciennes. Ce sont des forages d’environ 80 m de profondeur. Il s’agit d’une ressource non renouvelable, très onéreuse, transportée dans de vieilles conduites. De plus, elle ne couvre que les deux tiers des besoins de Nouakchott. C’est pourquoi l’Etat a pensé approvisionner la ville à partir d’une ressource renouvelable : le fleuve Sénégal, qui approvisionnera la ville à partir de 2010. Il s’agit du projet Aftout Essahly, dont le coût avoisine les 500 millions de dollars. Dans une première phase, il couvrira les besoins jusqu’à l’horizon 2020, et dans une deuxième phase, avec une surpression supplémentaire, il couvrira les besoins à l’horizon 2030. Parallèlement, nous lançons une étude sur le déssalement de l’eau de mer, en regardant avec attention les évolutions technologiques dans ce domaine.

Q : Cette technique est très coûteuse et gourmande en énergie. Ne craignez-vous pas d’augmenter la facture ?

R : C’est une technique en évolution et l’énergie est chère quand elle vient du pétrole. Nous n’avons pas encore exploité l’énergie éolienne comme nous le pouvons en Mauritanie. L’étude de l’approvisionnement en eau par déssalement de l’eau de mer se développe en parallèle avec l’évolution des techniques éoliennes. Dans un premier temps, nous restons à l’étape des tests.

Q : Visez-vous d’autres marchés que la Mauritanie ?

R : Non, nous ne couvrons que deux tiers des besoins de Nouakchott et nous n’intervenons que dans une vingtaine de villes dans le pays. Notre premier objectif est de couvrir l’ensemble des besoins des Mauritaniens. Si nous pouvons déjà accompagner le développement économique de notre pays, c’est un challenge suffisant pour nous.

Q : Avez-vous des relations avec des partenaires étrangers ?

R : Notre défi au niveau de la qualification de notre personnel nous a poussé à établir des partenariats avec des entreprises publiques dans le secteur de l’eau. Nous avons une convention de partenariat avec la Société Nationale De l’Eau en Tunisie, avec l’Office National de l’Eau Potable du Maroc, la Société Nationale de l’Eau de Belgique. Nous avons d’ailleurs participé à une table ronde à Rabat en mars dernier, où se trouvait aussi la société Eaux de Paris. L’objectif était d’établir des partenariats pour le renforcement des opérateurs publics dans les pays du Sud. Nous espérons ouvrir ce partenariat à d’autres opérateurs européens.

Q : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres clés de votre société ?

R :

Q : Quels avantages offrez-vous à des investisseurs potentiels ?

R : D’abord, nous rendons l’eau disponible et au moindre coût possible. Sans notre travail, aucun investisseur ne pourrait venir en Mauritanie. Nous tablons beaucoup sur la recherche d’efficience. Les besoins, comme je l’ai dit, sont largement couverts au cours des prochaines années pour les villes de Nouakchott et de Nouadhibou. Nous avons de larges compressions de coûts encore possibles. Cependant, il y a des coûts exogènes, liés au prix du pétrole, pour lesquels nous ne pouvons pas grand-chose. Pour Nouadhibou, nous venons de remettre le réseau à neuf, ce qui nous permet de faire des économies sur le plan technique. En ce qui concerne Nouakchott, nous nous sommes attelés ces deux dernières années à entretenir et à renouveler l’outil de production. Au niveau du réseau, nous avons notamment engagé la réalisation d’un plan directeur de distribution, dont l’objectif est d’optimiser la distribution et de mettre à niveau le réseau de Nouakchott. L’aspect organisation et formation professionnelle nous permettront encore plus d’améliorer l’efficience de la SNDE.

Q : Comment voyez-vous l’avenir du secteur de l’eau en Mauritanie ?

R : Il y a beaucoup de défis pour le secteur, vu que l’approvisionnement se fait surtout au niveau de nappes souterraines. Il nous faut exploiter les eaux de surface. La ville de Rosso est déjà approvisionnée depuis le fleuve Sénégal. Le défi est de créer des barrages et des retenues là où l’on peut le faire sur l’étendue d’un territoire très large, avec une densité en population très faible. C’est là la seule manière de préserver la ressource en eau pour les générations futures en Mauritanie. La SNDE à pour mission future d’anticiper les évolutions de la demande, plus que d’essayer de la rattraper, et fournir suffisamment d’eau à tout le monde.

Q : Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de votre parcours et une satisfaction personnelle à votre poste ?

R : Je suis économiste de formation. J’ai travaillé au Ministère du Plan, à la Banque Mondiale, dans une autorité de régulation du secteur des télécommunications, de l’énergie, de l’eau et des postes. J’ai aussi travaillé dans une agence de développement urbain pour la ville de Nouakchott et je suis à mon poste actuel depuis septembre 2005. Je pense avoir une satisfaction proportionnelle au poids de ma responsabilité : amener de l’eau potable à la population. Qu’ils soient riches ou pauvres, mon travail constitue à faire parvenir l’eau à chacun en Mauritanie.

Q : Auriez-vous un message à adresser aux lecteurs de www.winne.com, qui sont des gens d’affaires ?

R : Un investisseur a besoin de stabilité et de sécurité pour investir. Les événements récents en Mauritanie ne sont que passagers. Il s’agit d’un des pays ayant la plus grande capacité d’évolution, d’ouverture et d’absorption. C’est un cadre idéal pour tous ceux qui souhaitent s’y installer. C’est un petit pays en terme de population, mais qui présente de grandes perspectives. Les choses sont de plus en plus transparentes, d’où l’apparition de certaines frustrations enfouies, mais elles ne tarderont pas à disparaître. En tant qu’opérateur, nous nous efforcerons de leur apporter les infrastructures dont ils ont besoin.