Mauritania: Interview with M. Ousmane Kane

M. Ousmane Kane

Gouverneur (Banque Centrale de Mauritanie)

2008-02-21
M. Ousmane Kane

Q : M. le Gouverneur, quelle est pour vous la mission principale de la Banque Centrale ?

R : La mission fondamentale de la BCM est de contribuer à la stabilité des prix. En annexe à cela, il y a la stabilisation du système financier, puis l’appui aux efforts du gouvernement en matière de mise en œuvre de ses politiques économiques. Nos priorités actuelles concernent la stabilité du système financier, car nous sommes dans une phase transitoire où nos banques sont assez faibles et sortent d’une période difficile. Il faut donc les aider à mieux se préparer à la concurrence et à mieux accompagner le développement du pays, ce qu’elles ne faisaient pas tout à fait. La Banque Centrale a aussi pour mission d’accompagner le Gouvernement dans ses efforts de développement, d’aide à la croissance, à l’emploi et à la redistribution des richesses.

Q : De nombreuses lois sont apparues pour assainir le milieu financier. Selon vous, quels sont les défis auxquels fait face la Banque Centrale ?

R : Au cours des 12 derniers mois, trois textes importants concernant la Banque Centrale ont été adoptés. L’un concerne les statuts de la Banque Centrale et lui garantit son autonomie par rapport au gouvernement. Il définit la mission de la Banque Centrale de même que ses responsabilités. Un deuxième texte concerne la loi bancaire et réglemente le fonctionnement des établissements de crédit en Mauritanie. Une troisième loi concerne les institutions de micro financement. Notre rôle est de traduire ces lois en textes d’application et de veiller à ce que ces textes soient mis en œuvre et respectés par tous. Ces textes traduisent une volonté de transparence dans la gestion du secteur financier mauritanien ainsi que d’ouverture du système financier mauritanien. Il appartient à la Banque Centrale que cela se traduise dans la réalité.

Q : Lors d’un récent colloque, vous avez insisté sur l’importance du secteur financier dans le développement économique, qui exige un climat social et culturel respectif. Est-ce le cas actuellement ?

R : J’ai effectivement rencontré les banques mauritaniennes qui ont du mal à attirer vers elles l’épargne nationale. Autrement dit, le taux de bancarisation de la société mauritanienne est faible et il faut l’améliorer. Certaines contraintes sociales et culturelles l’empêchent de progresser. La relation du Mauritanien avec la banque n’est pas encore facile, sur un plan culturel et religieux. Il faut lever ces barrières en proposant de nouveaux produits et en expliquant d’avantage ce que représente une banque dans la vie d’une société et d’une nation. J’ai aussi évoqué les contraintes de développement du système bancaire, lorsqu’il a fallu évoquer le portefeuille des banques mauritaniennes, qui a été alourdi par un taux élevé de créances douteuses. Les banques en sont formellement responsables, mais l’environnement a eu son rôle dans ce problème. Pour que les recouvrements se passent dans les bonnes conditions, il faut que les banques bénéficient d’un concours actif, ce qui est en train d’être réglé par les profonds changements que subit la Justice.

Q : Pouvez vous nous donner le rôle stratégique de la Banque Centrale dans l’économie Mauritanienne ?

R : Nous avons un rôle d’interface avec le système financier international. Il faut que les intervenants internationaux aient confiance dans la monnaie. La visite récente du président de la Banque Mondiale est à ce titre un couronnement des efforts effectués par la Mauritanie pour gérer ses propres ressources et les ressources qui lui seront confiées, dans la transparence, en vue de réaliser un progrès qui profite aux populations. Il y a eu reconnaissance des résultats par rapport aux engagements pris par la Mauritanie.

Q : Comment situeriez-vous le secteur bancaire mauritanien dans l’environnement régional ?

R : Le système bancaire mauritanien est assez spécial, car dans l’environnement régional nous sommes l’un des rares pays à ne pas avoir de banque étatique et à avoir sept banques sur dix à capitaux privés mauritaniens. Nous devons faire avec et prendre les dispositions pour que ce qui peut paraître comme un avantage ne devienne pas un handicap. Ces banques doivent s’ouvrir aux partenaires étrangers, disposer de ressources suffisantes pour faire face aux exigences de l’économie mauritanienne. Elles doivent respecter un certain nombre de normes financières, d’éthique de gouvernance interne et qu’elles acceptent de prendre toute leur part dans le développement du pays.

Q : Quelles sont les perspectives pour le secteur bancaire et la Banque Centrale dans les années à venir ?

R : Nous souhaitons d’abord enrichir et renforcer le système actuel en Mauritanie, car nous avons décidé d’ouvrir le système bancaire à qui veut investir, dès lors qu’il respecte la réglementation mauritanienne. Nous le considérons comme un honneur et un acte de confiance. Nous devons aussi, Banque Centrale et Gouvenement, accompagner les banques mauritaniennes afin qu’elles profitent de ce climat d’ouverture pour se renforcer et devenir plus compétitives. Je crois que 2008 sera largement consacrée à cette priorité.

Q : Pouvez-vous nous donner quelques éléments de votre parcours personnel et quels sont vos plus grands accomplissements ?

R : Mon parcours est beaucoup le fait du hasard car je n’ai jamais planifié de carrière professionnelle ni me suis fixé d’objectifs. Le hasard a fait que j’ai travaillé à la SNIM, à la SAMIN, à la BAD (Banque Africaine de Développement), puis j’ai été appelé à travailler auprès du Chef de l’Etat et enfin à la Banque Centrale. Les quinze ans passés à la BAD représentent la moitié de ma carrière professionnelle et cela m’a marqué, tout comme le fait d’avoir travaillé aux côtés d’un Chef d’Etat. J’ai aussi signé les billets de banque d’un pays. Je n’ai jamais demandé aucun de ces postes, mais j’ai toujours essayé de faire de mon mieux. Maintenant, je ne peux répondre à la question de savoir où j’ai réalisé ou appris le plus. J’espère ne pas encore être à l’âge où l’on fait le bilan.