Côte d'Ivoire: Interview with S.E.M Jean Louis BILLON

S.E.M Jean Louis BILLON

Ministre du Commerce, de l'Artisanat, et de Promotion des PME (Ministere du Commerce, de l'Artisanat, et de Promotion des PME)

2015-02-12
S.E.M Jean Louis BILLON

A la tête du département en charge du Commerce et de l'Artisanat, Jean-Louis Billon livre ses impressions sur le développement de la Côte d'Ivoire et l'apport de son ministère dans la réalisation des objectifs du gouvernement ivoirien.

 

 

On assiste à une forte croissance économique des pays africains. Pensez-vous que le continent a les moyens de se prendre en main. Et, quel peut être le rôle de la Côte d'Ivoire dans cette embellie ?

 

L'Afrique a ce qu'il faut pour prendre son destin en main en termes de ressources humaines et de ressources matérielles. Il y a même une conjoncture internationale favorable à l'Afrique. Puisque, tout le monde s'accorde à dire que la prochaine frontière de la croissance est sur le continent africain. Mais, en même temps, il ne faut pas avoir un optimisme béat. Les choses ne se feront pas toutes seules. Il faut s'y préparer. Et, les défis sont tout aussi importants qu'au début des indépendances dans nos pays. Mais, plus complexes en terme d'enjeu économique, sociale, environnementaux, sécuritaires. Il faut répondre aux attentes d'une population beaucoup plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 50 ans. Oui, l'Afrique est le continent du futur. Mais, ce futur doit être préparé avec des visions claires. La croissance du continent africain est une réalité. Mais, l'impact de cette croissance reste toujours plus faible, vu le produit intérieur brut que nous avons que pour un pays qui a 2 % de taux de croissance et 30.000 dollars de produit intérieur brut par habitant. Donc, on doit se préparer à un avenir meilleur. Cela nécessite beaucoup de sacrifice, de travail.

 

La Côte d'Ivoire ambitionne être un pays émergent à l'horizon 2020. Quelle est le rôle de votre ministère dans cette vision du président Ouattara ?

 

Notre président a une vision claire de positionner notre pays aux portes de l’émergence. Il veut clairement préparer un avenir meilleur. Donc, toute l'action gouvernementale est orientée vers plus de croissance, l'amélioration ds infrastructures, du climat des affaires et même du climat politique pour nous permettre d'atteindre cet objectif. Au niveau de notre ministère, le défi, c'est plus de commerce, mieux de commerce et être présent sur les marchés internationaux. Il faut qu'on soient présents et compétitifs sur les marchés internationaux. La stratégie d'exportation faite par le ministère va dans ce sens. D'ailleurs, lors des vœux e 2015 au gouvernement, le Premier ministre a relevé que dans les facteurs de croissance, les exportations sont un levier important. On ne peut pas le faire sans un tissu de Pme qui maille notre économie dans tous les domaines. Nous avons également un plan pour ces Pme sans lesquelles, il ne peut y avoir de grandes entreprises compétitives et bien sûr, un artisanat de qualité. Donc, mon département est vraiment au front sur cette question. Nous nous devons d'être une plate-forme économique moderne dans la sous-région.

 

Pouvez-vous parler des forces et des faiblesses de votre secteur ?

 

Nous sommes un pays qui sort d'une longue crise. Pendant la crise, ce sont les entreprises les plus faibles donc, les plus petites qui ont le plus souffert. C'est pour cela qu'elles ont besoin de plus d'attention. Elles doivent être protégées, accompagnées, soutenues, défendues pour leur permettre de se reconstituer, de se muscler et être compétitives. Tout cela nécessite des moyens, un cadre, d'pù le projet Phénix. Nous avons une loi sur les Pme. Nous devons mettre en place une agence d'accompagnement des Pme pour faciliter leur accès aux financements et aider à l'amélioration constante de l'environnement des affaires. Par exemple, on doit introduire l'entrepreneuriat depuis la petite enfance jusqu'à l'université pour qu'on puisse également donner  des réponses aux préoccupations de notre jeunesse notamment, sur la question de l'emploi. Les pays qui vont apporter une réponse à cette préoccupation pourront s'en sortir. L'Afrique doit créer 110 millions d'emplois alors que nous n'en créons que 40 millions. Le fossé reste important. Seule une approche via les Pme pourra apporter une réponse durable à cette problématique. Le projet Phénix est un projet qui s'étend sur plusieurs années avec des moyens, des hommes et des femmes consacrés à l'émergence des Pme.

 

Quels sont les succès de ce projet et les prochaines étapes dans sa réalisation ?

Déjà, l'adoption d'une loi puisqu'il n'y avait pas de loi pour les Pme. Nous aurons également une agence uniquement pour les Pme. On ira même jusqu'à faire de la discrimination positive en réservant des parts de marché aux Pme locales dans les appels d'offres pour leur permettre d'exister et de participer au développement économique.

 

Cette agence est-t-elle déjà en fonctionnement ?

 

Non. Nous avons la structure qui est l'INIE qui doit être transformée en agence avec des attributions plus larges.

 

Le Conseil a adopté une communication concernant la stratégie d'exportation sur 6 secteurs.... Que pensez-vous de cette nouvelle politique ?

 

La stratégie n'est pas uniquement axée sur 6 secteurs. Elle est plus globale. Mais, nous nous concentrons plus sur 6 secteurs parce que, ce sont des secteurs à fort potentiel et qui n'ont pas suffisamment d'attention. Dans la stratégie nous avons nos secteurs traditionnels et d'autres auxquels nous allons donner une attention particulière pour leur permettre un meilleur positionnement.  C'est l'idée. Ensuite, nous avons des domaines transversaux comme les transports, l'emballage, les Tic pour leur permettre d'amplifier notre compétitivité en matière d'exportation. C'était important de se doter d'une stratégie qui n'est pas figée. Ce n'est pas la bible de l'exportation. C'est quelque chose de nouveau. Il était important de se doter de cet outil avec un Conseil national de l'exportation qui va assurer le suivi et la surveillance de cette stratégie.

 

Quel serait l'impact de ce changement pour les Pme ?

 

C'est une culture qu'il faut avoir. Nous avons une bourse régionale qui, sur le plan des textes donne l'occasion à notre économie de pouvoir se développer. Mais, qui n'est pas suffisamment en vue aujourd’hui. Elle reste en deçà de la bourse d'Afrique du sud et d'autres pays alors qu'elle concerne quand même 8 pays. Donc, favoriser l’accès au marché boursier des Pme est une garantie de transparence, de rigueur, d'orthodoxie financière et de gestion qui permettra aux Pme d'atteindre un niveau autre que celui d'aujourd'hui. Donc, il n'y a pas de contrainte à y aller. Il faut une volonté des Pme. Que les meilleures d'entres elles se permettent de passer via la bourse pour devenir demain, des grandes entreprises.

 

Quelle est votre plus grande satisfaction en tant que ministre du Commerce, notamment, sur la question de l'artisanat ?

 

Par rapport à l’Artisanat, le plus important pour nous était l'adoption du code de l’Artisanat. C'est un outil que les artisans demandaient depuis plusieurs années. Il va permettre aux artisans une meilleure formation, une meilleure structuration de leur domaine, de devenir des artisans mieux organisés et plus modernes parce qu'ils sont trop souvent dans l'informel. Les défis restent quand même importants dans l’Artisanat. Mon défi permanent est de les voir évoluer dans de bien meilleurs conditions. Qu'on leur accorde plus d'attention, plus de formation, plus de moyen. C'est le secteur qui emploie plus de personnes en Côte d'Ivoire et on en parle pas assez. Dans un pays comme le Maroc que je prend pour exemple sur le plan de l'artisanat, les artisans participent à tous les grands projets nationaux, à la construction du pays. Sur les travaux de la Grande Mosquée, ils ont été au centre. Nous avons un bel artisanat que nous devrions pouvoir retrouver dans notre architecture, notre immobilier. Globalement, l'artisanat, ce sont plusieurs centaines de métiers. Nous sommes en contact avec eux. On est à l'écoute de tous les métiers d’artisanat pour leur permettre d'évoluer dans de bien meilleures conditions. On a pris un arrêté pour les boulangers à leur demande. Ils y travaillaient déjà depuis 7 à 8 ans. Aujourd’hui, la qualité du pain s'en ressent. Le boulanger a un meilleur revenu.

 

Quel élément de votre carrière appliquez-vous dans votre stratégie en tant que ministre du Commerce ?

 

La réactivité au niveau du secteur privé est plus rapide. Mais, lorsque vous êtes dans un métier préçis, vous avez une objectif sur un produit ou une entreprise. Au niveau de l'Etat, même si vous gérez un département, vous êtes obligé de prendre en considération d'autres facteurs environnants. D'autres textes, d'autres départements ministériels avant de prendre une décision. Vous êtes dans la défense de l'intérêt généra alors que dans l'entreprise, vous défendez l'intérêt particulier. C'est une approche différente. Par contre, ce qu'on emprunter du secteur privé, c'est essayer d'être réactif à chaque fois. S'adapter à l'environnement qui est le notre. C'est ce qui est demandé aux politiques le plus souvent aujourd'hui. Car, même si nous sommes dans la gestion de la chose publique, les produits et l'environnement changent plus rapidement que par le passé. Et enfin, la culture de l'évaluation et du résultat et le privé. Il est bon de s'évaluer pour savoir si on a les résultats escomptés afin de pouvoir se remettre en cause  et d'échanger d'approche pour un résultat positif pour le plus grand nombre.