Côte d'Ivoire: Interview with S.E.M Bruno Nabagne KONE

S.E.M Bruno Nabagne KONE

Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication et Porte Parole du Gouvernement (Ministere de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication)

2015-03-16
S.E.M Bruno Nabagne KONE

Bruno Koné (Mptic):

  • "Le secteur des Tic va contribuer à cette croissance"
  • "Tout est réuni pour que la Côte d'Ivoire soit un pays locomotive"
  • Ce qu'il attend du secteur privé

 

La Côte d'Ivoire ambitionne être un pays émergent d'ici 2020. Pour y parvenir, les autorités ivoiriennes comptent bien s'appuyer sur le secteur des Tic en plein boom dans la région africaine. C'est ce qui ressort de l'entretien que nous a accordé Bruno Nabagné Koné, ministre de la Poste et des Tic le lundi 4 décembre 2014 à Abidjan.

 

L'Afrique se présente aujourd'hui comme la destination privilégiée des investisseurs. Quel rôle peut jouer la Côte d'Ivoire dans cette situation?

 

Bruno Nabagné Koné: L´Afrique est probablement la prochaine destination pour l'investissement et le développement. La position de la Côte d'Ivoire est celle qu'elle aura nécessairement un rôle à jouer. Après le Nigeria, la Côte d'Ivoire est le deuxième pays le plus important d'Afrique occidentale. C'est probablement en Afrique noire, le pays francophone le plus important. La Côte d'Ivoire est une économie diversifiée et relativement prospère. La Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, premier producteur africain de caoutchouté naturel, le premier producteur africain de palmier à huile, le troisième  producteur africain de coton, deuxième producteur mondial de noix de cajou et le premier producteur mondial de noix de Kola. C'est un producteur qui devient de plus en plus important pour tout ce qui est produit minier. L'or, la bauxite et bientôt, nous l'espérons, le fer. C'est un petit pays pétrolier mais qui a des ambitions  qui sont relativement importantes. La Côte d'Ivoire est un pays qui, aujourd'hui, s’enorgueillit de la gouvernance qui est la sienne. Le pays est gouverné selon les meilleurs standards dans le monde. C'est un pays  qui a une vision avec un chef d'Etat qui a une vision claire. C'est l'émergence en 2020. Tout est réuni pour que la Côte d'Ivoire soit un pays locomotif qui tire le reste de l’Afrique vers cette croissance et cette émergence qui est promise à l’ensemble de la Côte d’ Ivoire en réalité.

 

En tant que ministre des Télécoms, comment pensez-vous que votre secteur pourra soutenir la croissance de cette économie émergente d'ici 2020?

 

B.N.K: Notre conviction est que le secteur des Tic est l'un des secteurs qui va le plus contribuer à cette croissance. Premièrement, parce que les télécommunications, c'est plus de vitesse, de fiabilité et plus de transparence. C'est la possibilité de commercer avec le monde entier, toute chose qui favorise la croissance d'une économie. L'autre effet est que les Tic ont un impact qui est transversal. Les Tic ont un impact sur l'éducation, la culture, la gouvernance de l'Etat, la sécurité, la justice. Donc, développer les Tic va avoir un impact positif sur le reste de l'activité de notre pays. Il y aura un impact sur la croissance générale, sur la qualité de vie des populations. Et puis, il y a des mesures internationales qui sont faites. La Banque mondiale, par exemple, mesure que 10% de taux de pénétration de haut débit internet, c'est 1% de taux de croissance pour un pays comme la Côte d'Ivoire. Donc, tout cela mis ensemble, nous sommes persuadés que les Tic auront leur place dans la croissance. Donc, tout cela mis ensemble, nous sommes convaincus que les Tic auront leur place dans la croissance de la Côte d'Ivoire et dans la marche vers l'émergence.

 

Quel est le challenge du secteur, aujourd'hui ?

 

B.N.K: Le challenge du secteur des Tic, c'est notre capacité, je pense, à aller aussi vite que le voudraient nos concitoyens. Parce qu'aujourd'hui, nous voyons une demande réelle qui est là. Une demande qui est forte, partout dans le pays. Et, dans le même temps, nous sommes en train de résorber un retard relativement important. Aujourd'hui, il faut courir après la demande. Essayer dans le même temps de construire des réseaux, de favoriser la production de contenu, de former les hommes, et de mettre en place un environnement réglementaire qui soit efficace, de faire en sorte que les populations aient accès aux outils. Cela fait beaucoup de chantiers. Le vrai défi est là.

 

On imagine que vous comptez également sur le rôle du secteur privé

 

B.N.K: Absolument. Notre secteur est essentiellement porté de toutes les façons par le secteur privé. C'est le choix qui a été fait depuis la libéralisation en 1997. Donc, le choix de la Côte d'Ivoire est de faire en sorte que l'essentiel des acteurs et de l'activité soit porté par le secteur privé. Nous avons mis en œuvre une politique ambitieuse de service universel des télécommunications parce que, nous savons que le secteur privé n'est pas intéressé par tout. Il y a des endroits de la Côte d'Ivoire où il n'ira pas parce qu'il n'y voit pas d'intérêt. Il y a des couches sociales que ce secteur privé ne pas va pas chercher à toucher parce qu'il n'y voit pas d'intérêt. Il y a des activités qui sont notamment celles de l'Etat que nous avons l'obligation de mettre en œuvre. Tout cela nous a conduit à la mise en place, depuis environs deux ans d'une politique en matière de service universel. Avec l'Etat qui investit, lui-même dans la création de réseaux, de contenus. Qui, lui-même met en place, avec l'aide d'acteurs  privés, des solutions informatiques qui permettent à l'Etat de mieux fonctionner d'une part, et de fournir un service de meilleur qualité aux populations.

 

Quelles sont les opportunités d'investissement dans votre secteur?

 

B.N.K: Elles sont de moins en moins nombreuses parce que, les grosses opportunités d'investissement dans le secteur, c'est dans le domaine de la téléphonie. Aujourd'hui, nous avons 7 opérateurs. Donc, elles sont couvertes puisque notre objectif, c'est de consolider notre marché autour de 4 opérateurs voire 3. Notre taux de pénétration en téléphonie mobile est de l'ordre de 80%. Donc, il y a encore de la marge de progression je dirais pour ne pas être totalement négatif. Mais, surtout, notre souhait, c'est l'investissement dans le développement d'internet qui nous parait porteur de croissance, de bien-être pour les populations. Donc, nous incitons les opérateurs à investir dans l'internet haut débit partout sur le territoire national. Investir dans les applications et le contenu. Parce que, des applications bien faites peut apporter de la croissance, de la richesse. Et, du contenu adapté peut attirer les populations vers l'utilisation des services Tic. Parce qu'il faut également attirer les populations vers nos  services et les convaincre. Nous pensons que des applications adaptées à leurs besoins peuvent être un atout.

 

Que retenez-vous de ''l’African Web festival'' que vous avez parrainé récemment à Abidjan et qui est le premier à se tenir en Afrique?

 

B.N.K: Dès le début, cela nous a paru une bonne idée. C'est pour cela que nous avons soutenu les promoteurs de ce projet jusqu'à sa réalisation. Nous sommes très satisfaits de cette première édition qui montre qu'il y a une vraie envie des populations de venir vers les Tic. Le contenu qui est l'un des 5 axes stratégiques que nous développons était l'objet de ce festival. Également, d'un grand intérêt pour les populations. Nous avons vu des jeunes venir massivement. Nous avons vu des développeurs d'applications, des intégrateurs de solutions, des acteurs de la production audio-visuelle. Je n'ai pas été surpris par l'engouement qu'il y a eu autour de cette activité.

 

Ce sont des Ivoiriens qui sont venus principalement. Est-ce que cette rencontre pourrait devenir un événement international?

 

B.N.K: L'objectif était même d'en faire, dès cette année, un événement international. Vous connaissez les problèmes dans la sous-région. Il y a une peur internationale de la maladie à virus Ebola. Heureusement, la Côte d'Ivoire n'est pas concernée. Mais, cela à quelque peu impacté cet événement en raison des hésitations qu'on peu avoir certains invités internationaux. Mais, l'objectif, c'est d'en faire une plate-forme africaine qui, demain, va attirer les opérateurs d'Amérique, d'Europe... L'objectif est vraiment d'attirer tous les experts dans le domaine en mesure de convaincre nos jeunes d'accompagner ce mouvement mondial.

 

Les organisateurs de l'Africa Web festival sont des acteurs privés. C'est donc un bon partenariat selon vous?

 

B.N.K: Absolument. L'aspect qui nous a séduit dans ce projet est que ce sont des acteurs privés qui sont venus le soumettre en ne demandant rien à l'Etat et, nous les avons encouragé et soutenu. Nous encourageons ce type d'initiative. L'Etat ne peut pas tout faire. Je l'ai même dit à la cérémonie d'ouverture. Nous comptons sur les opérateurs privés pour accompagner l'Etat dans la politique de vulgarisation des métiers de l'information et de la communication.

 

Quelle est votre plus grande satisfaction en tant que ministre?

 

B.N.K: Ma plus grande satisfaction, c'est l'impression qu'on peut avoir d'agir dans l'amélioration des conditions de vie du pays, des populations. Il n'y a pas meilleure satisfaction que celle-là. Quand nous voyons que les actes que nous posons font avancer notre pays, améliorent les conditions de vie des populations, nous sommes heureux. C'est cela notre vrai salaire.

 

Qu'avez-vous appris tout au long de votre carrière que vous utilisez aujourd'hui en tant que ministre des Tic?

 

B.N.K: S'il y a une chose que j'utilise et qui, je pense, devrait être plus utilisée dans la gouvernance de l'Etat, c'est le pragmatisme. Faire en sorte que nos décisions, notre vision, rapidement transformées en résultats réels qui apportent aux populations. Malheureusement, souvent, beaucoup de contingences font qu'on reste superficiel, théorique. Alors que le fin de ce que nous faisons, c'est de toucher les populations et améliorer leurs conditions de vie. Et, pour cela, il faut être pragmatique. Prendre des décisions y compris, en dehors de la paperasserie administrative et en dehors des textes qui sont souvent rigides. Je dois dire que nous avons la chance d'avoir un chef d'Etat qui a une vision très pragmatique des choses et qui pousse ses ministres à aller vers les décisions qui apportent tout de suite quelque chose, plutôt que de nous enfermer dans des procédures qui freinent plus qu'autre chose.