Congo: Interview with Mr Abdou Diane

Mr Abdou Diane

Directeur General (Laine Diane)

2011-11-24
Mr Abdou Diane

Issu d’un partenariat avec le groupe Total, l’entreprise Laine Diane Congo a pour vocation de rendre le Congo autonome dans la maîtrise de la construction mécanique. Après 3 ans d’existence, bien que les investissements structurels pèsent toujours  sur le chiffre d’affaire de la compagnie, les audits qualité réalisés en matière de HSE ont démontré la capacité de Laine Diane Congo à  s’adapter aux exigences du secteur et répondre aux normes internationales en vigueur. Aujourd’hui Laine Diane Congo cherche de nouveaux partenaires pour élargir son portefeuille client et diversifier son champ de compétences.

«Total devait être carré, ils m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas me soutenir techniquement. Si je veux travailler il faut que j’aie le même niveau que les autres sociétés. Il ne peut pas faire une différence de certification, je dois faire les efforts pour avoir le même niveau que les autres sociétés internationales, ce qui a été fait. Suite aux audits qu’on a reçus avec Total du côté HSE, du côté qualité, ca s’est bien passé (…) Total est passé faire un audit sécurité, nous avons obtenu 79%, c’est une fierté partagée.» Mr Abdou DIANE, Directeur Général de Laine Diane Congo



Intervenant auprès d’acteurs pétroliers et parapétroliers, la société Lainé Diane Congo est une société de mécanique générale, chaudronnerie, tuyauterie. Pouvez-vous nous donner dans un premier temps un historique de votre implantation au Congo ?

La société Laine Diane Congo a été créée à la suite d’un partenariat avec le groupe Total. La direction générale de Total souhaitait à l’époque trouver un Congolais qui serait capable de reprendre les travaux de construction métallique. Total possède un département « Développement Durable » qui a pour vocation d’assister les compagnies congolaises dans leur création et leur développement.  La majorité des entreprises du secteur étant d’origine étrangères (françaises et américaines), Total a donc souhaité accompagner le développement d’une entreprise locale par le biais d’une association A.P.I (statut validé par la chambre de commerce).

 L’A.P.I m’a accompagné pour obtenir un crédit auprès de Mr Alibert de la banque COFIPA. Nous avons ensuite créé une joint-venture avec une société française Laine Mécanique qui souhaitait s’installer au Congo et avec qui nous avons initialement acheté des tours mécaniques (ex : fraiseuses) car nous voulions faire de l’usinage. Malheureusement, Laine Mécanique n’a pas voulu rester au Congo et ont quitté le territoire après 3 mois. Peu intéressés par le projet ils m’ont laissé le matériel acheté en proposant d’échelonner les remboursements lorsque je commencerai à réaliser des profits. Alors en 2008 j’ai repris l’entreprise à mon compte et j’ai commencé à démarrer l’activité avec l’assistance de Total. Total ne pouvait pas me privilégier techniquement, je devais avoir le même niveau que les autres sociétés internationales car ils ne pouvaient pas attribuer les mêmes certifications à des niveaux de prestation différents. Total a en effet effectué des audits HSE (qualité).

Je tiens à souligner  le rôle joué par la banque BGFI qui me soutient depuis mes débuts et envers qui je suis très reconnaissant.



Afin de délimiter le champ de vos compétences, pourriez-vous décrire brièvement les activités de Laine Diane Congo à Pointe-Noire? 

Concernant notre activité, Laine Diane Congo est spécialisé dans la construction métallique comme Friedlander ou SESI. L’idée à l’origine de cette aventure était que le Congo ait au moins une entreprise locale qui puisse faire la transformation métallique. Aujourd’hui nous sommes contractants de Total ce qui exige de nombreux efforts en période d’investissements. Au bilan le montant de nos dettes est élevé mais la situation s’améliore petit à petit.

Comme Total est notre partenaire exclusif, nous sommes en phase de prospection afin de sortir de cette situation de dépendance au niveau de l’activité. De leur côté Total a ouvert ses portes à des compagnies congolaises dans le domaine du génie civil. Ce type de partenariat est plus difficile dans la métallurgie car les investissements sont très lourds, les audits sont  très chers, le personnel français doit être qualifié… C’est difficile mais nécessaire pour se faire un nom. L’investissement a été massif et étalé dans le temps.



Comment fonctionne le partenariat avec Total ?


Il y a le conseil, le suivi et puis les entretiens avec leurs équipes lors de chaque projet commun. Mais au Congo nous sommes comme des enfants. Au stade embryonnaire il faut d’abord apprendre donc Total nous aide par ses remarques et appréciations. Notre évolution s’est faite sans faute grave de notre part. Nous sommes indépendants, pas une filiale de Total.



Qu’est-ce qui a fait que Total vous aie choisi, Mr Diane, pour fonder la première entreprise congolaise de construction métallique?

Au début, nous avions une société sur Pointe-Noire – le groupe Diane-  spécialisée dans la location du personnel pour Total. La société fonctionne toujours mais en minorité maintenant. J’ai donc rencontré fréquemment Total dans le cadre de notre prestation de service avant qu’ils ne me proposent de contacter le département « Développement Durable » pour voir comment je pourrais démarrer ma propre activité dans la métallurgie. Après avoir vérifié que je remplissais bien les conditions requises ils m’ont aidé à me lancer. Telle une fondation, ils soutiennent des projets congolais qu’ils aident ensuite à démarrer. C’est un processus extrêmement difficile à satisfaire au vu des charges fixes que le secteur impose (dettes fournisseurs, salaires élevés, etc.).
 Nous sommes une référence pour Total, quand ils veulent faire une réunion avec des sociétés congolaises, ils nous appellent pour témoigner de leur soutien auprès des entreprises locales. Nous incarnons l’image de marque de Total au Congo car ils nous ont soutenus lors de notre création et encore aujourd’hui ils remplissent notre carnet de commandes.
 Récemment ils sont venus nous faire un audit sécurité pour lequel nous avons obtenu une note de 79%, c’est une fierté partagée sachant que la sécurité est une priorité chez Total. En effet, Total ne travaille pas avec des partenaires en dessous de 50%. Laine Diane Congo est passé de 56% à 79% en quelques années seulement.



Travaillez-vous avec d’autres partenaires aujourd’hui ?


Nous travaillons aussi avec Murphy West Africa mais le partenariat reste timide. Egalement avec Inion concession avec qui nous devrions réaliser une commande prochainement toujours sur la construction métallique.



Avez-vous des projets pour vous diversifier ?


Oui j’ai des projets dans le secteur de la logistique pétrolière qui est un secteur très porteur mais aucun agenda n’est encore fixé.  C’est un secteur moins contraignant que la construction métallique. Je n’ai cependant aucune expérience dans ce domaine.



L’économie congolaise est tirée fortement par l’activité liée au pétrole mais aujourd’hui le gouvernement cherche à valoriser et développer les autres secteurs industriels. Prenez vous cette situation en compte pour votre entreprise, en développant votre portefeuille client vers d’autres secteurs par exemple ?

Je dois honorer mes engagements actuels dans la construction métallique et pour l’instant il est difficile de se projeter dans l’avenir. Hormis ce projet concernant la logistique pétrolière, je ne peux pas trop faire de conjectures sur l’avenir.  L’idéal serait que le gouvernement soutienne plus fortement les acteurs locaux pour travailler dans l’industrie pétrolière, une politique dans ce sens pourrait être déterminante.



Votre entreprise a-t-elle eu un soutien politique ?


Non. En revanche l’Etat congolais nous a délivré une Convention d’Etablissement, donnant droit  à des abaissements de tarifs douaniers et exonérations d’impôt. Dans cette situation l’Etat, via le Ministère des Finances, nous aide beaucoup.



Quels sont les critères pour bénéficier de cette convention ?


C’est une convention signée entre l’entreprise et le ministre des Finances pour une durée de 3 ans renouvelable. Il faut faire preuve de ses compétences auprès du département économique et constituer un dossier comprenant tous les documents de financement.



Sur quels partenaires vous appuyez-vous pour soutenir le développement de l’entreprise ? (logistique, organisation, RH…)


Pour le moment nous n’avons pas de partenaire. Nous envoyons régulièrement des messages dans les medias type presse écrite. Par ailleurs Total nous offre une ressource importante avec son réseau international auprès duquel nous faisons énormément de networking.



Qualité, professionnalisme et respect des normes HSE sont des valeurs qui animent vos activités. Comment s’expriment-elles au quotidien ? Comment vos clients perçoivent-ils cet engagement ?


Nous avons des réunions hebdomadaires avec un chef de département HSE qui forme le personnel sur les questions hygiène, sécurité et environnement. On envoie un compte-rendu de nos projets à Total qui de son côté effectue des visites à l’improviste pour voir si les choses sont bien cadrées. Ils donnent des directives et commentent ensuite notre plan d’action. On propose aussi des formations réalisées par des intervenants extérieurs qui viennent encadrer le personnel sur la qualité ou la construction métallique. Notre recrutement cible des personnes qualifiées, issues principalement de France ou du Congo.



Pour avoir une information économique plus claire et précise, pouvez-vous nous communiquer quelques chiffres clefs significatifs (CA, employés, progression) ?


Laine Diane Congo compte en moyenne 70 salariés. Après, cela varie en fonction du calendrier des contrats et des campagnes Total puisqu’une grande part de notre recrutement est temporaire, le personnel est alors embauché uniquement pour la durée d’un projet. Quant au chiffre d’affaires, je n’ai pas d’idée précise à ce jour mais il est en progression stable depuis 2008. Le montant des investissements initiaux et les charges associées à l’industrie métallique font que le montant des dettes reste très important. Nous sommes donc en recherche de partenaires pour étendre notre activité et devenir un acteur qui compte dans le secteur de la construction métallique au Congo.



Quelle vision avez-vous du secteur industriel/pétrolier et de votre activité d’ici 5 ans ?

Notre objectif est de se diversifier vers l’activité pétrolière tout en conservant notre activité dans le métal, la construction, les  bateaux de forages, etc. Le secteur est vaste.
Pour le secteur, j’espère que ca va bien se passer, le Congo est une nation jeune et elle a beaucoup d’avenir. ENI et Murphy sont déjà installés sur le territoire depuis un moment, notre souhait est d’avoir d’autres majors du même niveau pour élargir notre portefeuille client. On souhaite se diversifier par rapport à Total.



Nos lecteurs s’intéressent aussi aux personnalités que nous rencontrons. Pouvez-vous nous décrire le parcours vous ayant menés à la direction de LAINE DIANE CONGO ?

Je suis originaire de Brazzaville, de père sénégalais et de mère congolaise. Apres le bac à 22 ans, j’ai passé un examen qui m’a permis de rejoindre la BICICI, une filiale du Crédit Lyonnais, et j’ai donc commencé à travailler dans la banque. A 24ans je me sentais déjà l’âme d’un entrepreneur, je me suis alors testé à travers divers petits boulots. Quand la banque a fermé, j’ai monté une société de gardiennage à Brazzaville. Ensuite je suis parti pour Pointe-Noire où je me suis lancé dans l’aventure dont je vous ai parlé.



LAINE DIANE CONGO a compris tous les enjeux que présente le Congo pour ses activités. Malheureusement, les opportunités et les mutations qu’offre ce pays sont très peu connues hors de ses frontières. Quel message délivreriez-vous à nos lecteurs et aux investissements pour venir participer à cette aventure du développement ?

Le Congo est un très beau pays. Quand vous viendrez chez nous, vous verrez que les gens sont très accueillants. Notre chef d’Etat est en train de faire de grands efforts pour que le pays aille de l’avant, comme l’illustre la construction de la route qui reliera Pointe-Noire à Brazzaville. Cette route va offrir aux hommes d’affaires du monde entier un lieu idéal pour s’implanter, créer des pôles de croissance et générer des emplois. In fine le souhait pour nous aujourd’hui, opérateurs économiques, c’est de voir des investisseurs venir s’établir sur le long terme au Congo.