ALGERIA
la Nouvelle Generation


V.I.P. INTERVIEWS
Interview avec:

MONSIEUR MADJID BAGHDADLI
LE DIRECTEUR GENERAL DE L'AGENCE NATIONALE DE DEVELOPPEMENT DE L'INVESTISSEMENT


Ma première question sera d'ordre général. Pouvez-vous nous présenter l'ANDI et la réforme qui a mené au remplacement de l'APSI ainsi que les missions de votre Agence ?

S'il faut parler des missions de l'Agence, il faudrait commencer par dire que l'Agence est un instrument d'exécution d'une politique. On la retrouve dans le Code des investissements adopté au mois d'août 2001.

Il y a eu un nouveau dispositif de promotion de l'investissement qui est venu se substituer à un ancien dispositif, adopté en 1993. Ce dispositif, de 1993 à 2001 a été évalué, apprécié et audité et nous avons essayé d'apporter un certain nombre de correctifs pour le rendre plus attractif. Dans ce dispositif, qui avait attiré plus de 43.000 projets d'investissements de manière consistante et importante, nous avons constaté qu'il y avait un certain nombre de difficultés que pouvaient rencontrer les promoteurs de ces projets. Parmi ces difficultés, il y avait un problème d'environnement administratif, car l'administration cherche à avoir des justifications et des actes administratifs pour permettre la réalisation d'une activité économique.

L'une des premières mesures prises dans le nouveau Code est d'apporter une mesure de facilitation de la réalisation des investissements. Il s'agit de la décentralisation de l'Agence sur le territoire national par la création de guichets uniques au niveau des régions.

Le deuxième axe fondamental est de se dire qu'aujourd'hui le monde évolue tellement vite et dans des sens tellement imprévisibles, qu'il devient impératif de mettre en place des instruments très flexibles. Ainsi, le Code que nous avons réalisé est marqué par une très grande flexibilité qui doit permettre, dans des délais rapides et à des niveaux de responsabilité appropriés, l'adaptation des dispositifs. Une fois qu'un texte de loi est adopté, il ne faut pas qu'il ignore la réalité des changements.

Dans le nouveau Code, un conseil national de l'investissement a été créé, c'est un organe présidé par le chef de gouvernement qui est constitué des principaux ministres techniques en charge des problèmes de l'investissement. Dans ce conseil, outre le chef du gouvernement, il y a les ministres de l'Energie, des Finances, de la Participation et des Réformes, de l'Industrie, du Commerce, etc. qui sont chargés de faire avancer l'économie algérienne qui elle, n'avancera qu'avec le développement de l'investissement.

Nous avons mis en place un outil qui nous permette, dès qu'il y a des difficultés concrètes répétées qui se présentent, de nous référer à un cadre qui a l'autorité requise pour adapter ce dispositif. Ce conseil a pour mission fondamentale de faire évoluer le plus rapidement possible et de faire coller les textes avec la réalité.

Le troisième principe sur lequel a été construit le nouveau dispositif sur la base de l'audit de l'ancien est de se dire qu'en fait, nous allons supprimer toute discrimination entre les investisseurs, et là, nous avons été encore plus loin que dans d'autres pays. Désormais, en Algérie, au regard de la loi, il n'y a plus aucune discrimination entre un opérateur étranger ou un opérateur national ou entre un opérateur privé et un opérateur public.

Les seules personnes que nous connaissons sont les promoteurs, quelles que soit leurs nationalités, qui constituent une société de droit algérien et qui obéissent au droit algérien.

Un quatrième axe est basé sur les garanties que nous pouvons donner à tous les investisseurs, puisque l'Algérie a signé et paraphé l'ensemble des textes régissant l'arbitrage et les règles qui peuvent présider aux règlements des litiges, permettant aux opérateurs ou aux professionnels de recourir facilement au droit international pour régler le litige qui pourrait l'opposer à une quelconque partie. Ceci représentent les principes essentiels sur lequel nous avons bâti cette nouvelle ordonnance.

Un dernier élément est que nous avons créé un système qui essaie de pousser tout le dispositif fiscal et parafiscal algérien vers un système de pression acceptable. Par ce biais, nous essayons de pousser en permanence le système fiscal d'abord vers une plus grande transparence, une plus grande équité et une plus grande acceptabilité. Ce qui revient à dire, aller vers un droit commun attractif qui permettrait à tous les investisseurs, les industriels et les opérateurs économiques de pouvoir travailler sans avoir une pression fiscale qui annule les résultats de leurs efforts.

Voilà un peu, d'une manière très schématique, les principaux éléments sur lesquels a été construite cette nouvelle ordonnance, une ordonnance d'ouverture, de flexibilité et qui permet, dans les délais requis, de faire évoluer le dispositif si l'on constate des différences avec la pratique. C'est un système de transparence qui permet à tout le monde d'investir dans le créneau qui l'intéresse.

Pour ce qui concerne la deuxième partie de la question qui, nous ramène à l'ANDI, parfois, il y a des questions qui se posent à propos de l'appellation qui était APSI. Pourquoi ne pas avoir gardé l'ancien nom, puisque nous gérons et nous traitons toujours les dossiers d'investissement. Fondamentalement, qu'y a-t-il de changé ? Je dis: fondamentalement, il y a quelque chose d'important qui a changé, c'est que par Agence nationale, on entend Agence de compétence nationale. Nous avons une Agence qui est installée, sur le plan juridique, dans l'ensemble du territoire national. Elle a pour vocation de créer des organisations décentralisées au niveau des wilayas. C'est l'explication même du mot "national". Quant à l'APSI, qui était installée à Alger, elle avait un seul bureau. Pour un pays comme le nôtre, qui fait 2.300.000 km², les distances sont énormes. Nous avons eus énormément de difficultés à gérer cette centralisation, surtout pour les promoteurs qui étaient obligés de se déplacer régulièrement sur de grandes distances avec tous les problèmes que cela impliquent et les coûts que cela engendre.

Cette nouvelle Agence a pour mission de gérer toute sa décentralisation de manière à se rapprocher plus efficacement des promoteurs, de manière à leur faciliter au mieux la réalisation de leurs investissements, aussi bien pour la constitution de leur société, que pour la mise en œuvre de leur programme.

En ce qui concerne cette Agence, elle a deux missions stratégiques. La première est la mission d'information et d'accompagnement du promoteur. L'information par l'accueil, la compréhension du projet, l'offre d'information, la mise à disposition de banque de données qui permette à tout un chacun de savoir où il va. Dans l'accompagnement, c'est la disposition d'un guichet unique qui permet au promoteur de réaliser sur place la majorité des documents nécessaires à son projet. Ceci est le premier aspect d'accompagnement et de promotion.

Nous sommes une Agence d'Etat qui est un aspect de la puissance publique. Ainsi, c'est nous qui délivrons l'attestation d'éligibilité aux avantages. Et il faut simplement rappeler que l'investissement en Algérie est totalement libre. Quiconque peut investir dans le secteur qui l'agrée avec ou sans avantages. C'est le deuxième aspect fondamental.

Pour bénéficier des avantages du Code, à ce moment-là, il y a un minimum de conditions à remplir. Ces conditions, c'est à l'Agence de les évaluer grace aux dispositions de la loi et c'est toujours l'Agence qui délivre l'octroi, qui n'est pas un agrément mais simplement une possibilité de pouvoir bénéficier d'avantages fiscaux et parafiscaux.

Je voulais également vous demander s'il y a un côté pratique pour les investisseurs. Quel est l'avantage pour un investisseur de passer par l'ANDI, quelle est la portée de cette procédure?

Un investisseur qui voudrait investir en Algérie peut ne pas passer par l'ANDI. Il peut très bien réaliser son projet dans le cadre du droit commun. Aujourd'hui, le Code permet à tout le monde d'investir en Algérie. S'il ne demande pas d'avantages, il peut investir sans passer par un quelconque agrément préalable de l'Agence. Pourtant, il est libre de demander le soutien de l'Agence et peut aussi bénéficier des prestations de guichet unique. C'est à lui de faire le choix. S'il veut avoir le régime des avantages, il est obligé de passer par l'Agence. Il n'y a que l'Agence qui délivre cette décision d'octroi d'avantages. Nous sommes l'instrument public pour délivrer au regard du Code des investissements la décision d'octroi des avantages, qui peut consister soit en régime général, soit en régime dérogatoire, soit en régime de la convention. Lorsque l'Agence délivre cette décision d'octroi d'avantage, cette dernière est opposable à toutes les parties. Nous sommes habilités à délivrer une décision qui s'impose à toute l'administration extérieure. Une fois qu'une décision est signée et qu'au regard de la loi telle société a droit, pendant la phase de réalisation, au bénéfice de l'importation au tarif réduit, qu'elle a droit à l'exonération de la TVA, qu'elle a droit à l'exonération des droits de mutation, qu'elle est exonérée d'impôts sur le bénéfice, personne ne pourra s'opposer. Et ça, il n'y a que l'agence qui est habilitée à le faire. Mais, là encore, nous ne sommes qu'une Agence d'exécution d'une politique qui s'exerce dans le cadre d'une loi portant développement de l'investissement. Et c'est là, le rôle de l'Agence dans cet aspect de puissance publique.
Là c'est un point important, connaissant la portée exacte vis-à-vis des autres administrations, l'opposabilité, etc. ?

Elle est opposable. D'ailleurs, dans le Code des investissements, il y a un article qui dit, et qui le dit clairement, que les décisions de l'Agence sont opposables aux administrations.

Vous dites que vous êtes en application d'une politique. Avez-vous des secteurs d'activité, où est-ce que vous sélectionnez les dossiers des investissements par ordre de mérite. Est-ce qu'il y a une politique particulière ou des dérogations ?

Avec mon expérience sur l'économie, souvent en voulant faire du bien, on fait du mal, en voulant faire des listes. Je le répète souvent, nous sommes dans un monde en pleine ébullition: toutes les activités qui paraissaient subalternes hier, deviendront essentielles demain, toutes celles qui paraissaient fondamentales hier, deviendront subalternes demain. Il y a un beaucoup de choses qui sont en train de changer. Je ne fais pas de ségrégation.

Le Code des investissements le dit: tout investissement doit être une extension des capacités de production de biens et de services. Il n'y a pas de secteurs ouverts ou fermés. Tout investisseur qui viendra sera éligible au secteur qu'il aura choisi d'investir.

Lorsqu'on pose la question en demandant quels sont les secteurs vers lesquels on aimerait être orienté ? La première réponse consiste de faire remarquer que pour les cinq années à venir au moins, c'est une économie pratiquement vierge. Il y a énormément de choses à faire. Moi, je dis qu'en économie, il n'y a pas de hiérarchie. Une bonne économie, c'est une économie où tous les maillons se tiennent.

Ceci étant, il y a quand même des domaines où les besoins sont plus flagrants, et qu'il faut mettre en évidence, par exemple l'agroalimentaire, l'habitat. Il y a une crise énorme du logement. L'immobilier et l'habitat constituent des domaines extrêmement privilégiés. Le tourisme constitue un secteur énorme de croissance et a des gisements de développements considérables. Les services aux entreprises, l'agriculture, la mise en valeur des terres… Ainsi, tous ces secteurs sont avides d'investissements. Lorsqu'on a ainsi identifié les secteurs, c'est tout. Il y a des possibilités énormes de développement dans des créneaux très spécifiques comme la production de primeurs, alors que l'Algérie n'ira jamais concurrencer les Etats-Unis ou le Canada dans la production de blé. Dans certains types, on peut être en très bonne situation de concurrence. Nous avons un climat qui nous permet dans des conditions appropriées de produire beaucoup. Nous sommes un pays qui reste un pays très biologique dans sa production. Il y a des possibilités énormes qui existent, mais dans des créneaux qui nécessitent une approche très spécialisée et des professionnels dans le domaine.

Dans le cadre de l'investissement, chacun investit dans le secteur qui lui rapporte de l'argent, puisque l'investissement sert surtout à se faire de l'argent donc, il investit dans les créneaux où il peut gagner. A partir de là, lui, prend le risque d'investir et moi, je prends la liberté de lui ouvrir l'économie. L'investisseur est le bienvenu.

Pouvez-nous nous donner une indication sur la durée de la procédure ?

Du point de vue de la procédure, un projet doit être conforme aux dispositions de la loi. Comme vous le savez, nous ne pouvons pas créer une activité de but en blanc. Il y a des problèmes d'environnement, d'hygiène, de sécurité publique, de santé, etc. Quand on parle d'investissement, il s'insère dans une réglementation nationale. Pour ce qui concerne l'octroi d'avantages, il peut l'avoir très rapidement (entre 5 à 6 jours). Quant à la création de la société, il y a quelques difficultés et le guichet unique qui a été mis en place a, justement, pour vocation de restreindre au grand maximum les délais de création et nous pensons que, maintenant les choses vont s'améliorer considérablement.
D'une manière générale, le délai légal est de 30 jours pour délivrer la délivrer la décision d'octroi des avantages.

Etes-vous satisfait du nombre de dossiers que vous avez reçus jusqu'à présent ?

Il y a un très grand intérêt à l'investissement et, je dois dire honnêtement, c'était peut-être nous qui n'étions pas à la hauteur des attentes. Nous n'avons pas suffisamment facilité les choses. L' administration qui, a des missions de vérification et de contrôle qui font que les délais parfois durent, les investisseurs soient découragés et que des projets n'aboutissent pas.

L'intention d'investir a toujours existé. Je prends un exemple très simple. Lorsque je prends le dernier bilan à fin 2001, il y avait 43.200 projets d'investissements qui prévoyaient la création d'un million six cent mille emplois. Pourtant, l'investissement n'a été que de 43 milliards de dollars. Lorsqu'on parle de climat d'investissement, c'est comment le promoteur perçoit la chose. Lorsqu'un investisseur se déplace, ce n'est pas pour remplir un dossier, mais parce qu'il a l'intention d'investir à condition, bien entendu, que l'ensemble des éléments qui existent permettent cette réalisation. De ce point de vue, l' intention d'investissement existe.

Ce qui est nouveau depuis ces deux dernières années, c'est que notre image de marque s'est beaucoup améliorée. Il faut dire que la perception qu'on a de l'Algérie s'est beaucoup modifiée et, maintenant, je sens qu'il y a beaucoup de sollicitation d'investisseurs étrangers intéressés. Ils se rendent compte que c'est un marché de 31 millions d'habitants, un marché important et où il y a énormément de choses à faire. Quant aux conditions générales, elles sont assez satisfaisantes. Je ne dis pas qu'elles sont au mieux, mais globalement elles sont en mesure d'intéresser les investisseurs et de rendre leurs projets tout à fait fiables, viables et rentables. Depuis ces deux dernières années, il y a un véritable intérêt qui est manifesté pour les perspectives d'investissements en Algérie.

Une toute dernière question, nos lecteurs aiment bien avoir un aperçu sur le parcours des dirigeants. Vous en tant qu'économiste, pourriez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

Je suis de formation économiste qui remonte à quelques années.

Dans mon parcours, il y a eu trois moments forts. Il y a d'abord eu une expérience, qui a duré plus de vingt ans, dans une grande entreprise publique, la Sonelgaz, une grande école. Comme c'est une grande entreprise, c'est comme une grande économie. On y pratique tous les métiers en son sein. Cela m'a permis, en tant qu'économiste, d'avoir une perception très technique des problèmes. J'ai pu à la fois acquérir cette vision technique et ensuite avoir une vision globale. Dans une société nationale, toutes ses décisions sont des décisions d'application générale. Cela a été ma première grande expérience, qui m'a permis ensuite de comprendre les nécessités de flexibilité dans les entreprise.

Une entreprise a besoin d'avoir les mains libres pour fonctionner, parce que le marché n'attend pas des décisions politiques pour s'adapter. Aujourd'hui, je ressens ce passage comme ayant été extrêmement bénéfique.

Le deuxième passage a été l'administration centrale, où j'ai occupé plusieurs postes. D'abord directeur central au ministère de la PME/PMI où je me suis occupé du développement de la sous-traitance, du développement de l'investissement, de la production et de la productivité. Ensuite, j'ai été conseiller du ministre de la Participation, M. Boukrouh. C'est à ce moment-là que j'ai travaillé sur l'investissement. J'ai dirigé le groupe de travail qui était en charge de l'élaboration du dispositif des investissements.

Ma troisième étape est d'être directeur général de l'ANDI et mes deux expériences m'ont été extrêmement utiles parce qu'à la fois j'ai une vision microéconomique d'entreprise et j'ai pu acquérir une vision globale macroéconomique.

La promotion de l'investissement est un véritable métier où il faut avoir beaucoup d'humilité. Il faut comprendre que le promoteur prend le risque. S'il le prend, il m'appartient de faire en sorte que ce risque soit minimisé, ne serait-ce qu'en lui facilitant les choses ou en réduisant les délais dans lesquels il peut réaliser un projet. Un projet c'est une idée, c'est une opportunité, ce n'est plus un projet qui va durer dix ans. Au bout de trois ou six mois, s'il n'est pas réalisé, c'est un autre qui va prendre soit l'idée, soit le projet.

En tant qu'Agence, mon rôle est de reconnaître cet aspect, risques pour le promoteur et de faire en sorte que de mon côté, comme de celui de mes collaborateurs ou de celui des services offerts, nous contribuons à minimiser ces risques pour toute la partie qui relève de notre compétence.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv