ALGERIA
la Nouvelle Generation


V.I.P. INTERVIEWS
Mr Lucio Guerrato INTERVIEW DE

MR LUCIO GUERRATO
AMBASSADEUR DE L'UNION EUROPENNE EN ALGERIE
Le 22 avril 2002, l'Union Européenne a signé un accord d'association avec l'Algérie ; avant d'aborder ce sujet, pouvez-vous nous donner un bref historique des relations entre l'Union Européenne et l'Algérie et ce qui a mené à cet accord ?

La politique communautaire en direction des pays de la Méditerranée a vu ses débuts en 1971 et a pris la forme de " Protocoles ", à savoir des accords commerciaux à durée indéterminée, assortis d'un volet financier renouvelable tous les 5 ans. Il faut attendre le début de 1990 pour voir, sous la pression des événements internationaux, l'adoption d'une nouvelle approche " la politique Méditerranéenne rénovée " qui visait à établir un cadre régional de coopération et un approfondissement qualitatif des relations entre Nord et Sud. Mais c'est véritablement à Barcelone en 1995 qu'un pas important va être franchi avec l'adoption des grandes lignes d'action pour la création d'un partenariat euro-méditerranéen. Cette approche dépasse les volets économiques et commerciaux pour inclure les dimensions politiques sociales et culturelles ainsi que la coopération régionale. Mais ce qu'il y de plus important dans la déclaration de Barcelone est la perspective à terme de créer un espace économique commun euro-méditerranéen dans lequel les biens, les capitaux et les marchandises pourront circuler librement.

Pour avoir un meilleur aperçu de l'implication européenne en Algérie, pouvez-vous partager avec nous les chiffres clés de vos activités en Algérie ? (employés, nombre de projets et investissements…)

Le Programme MEDA, volet financier de la coopération euro-méditerranéenne se chiffre globalement à 5,5 milliards. En ce qui concerne l'Algérie nous avons actuellement un stock d'environ 25 projets dont la valeur globale atteindra en 2004 environ un demi milliard. Actuellement une vingtaine de projets est en cours d'exécution, la plus grande partie touchant le secteur des réformes de structures: finances, banques, petites et moyennes entreprises. Mais nous sommes également engagés dans des projets de développement social et économique, d'appui à la société civile et nous donnons même une assistance à la modernisation de la police. Comme vous le voyez notre palette d'action est fort variée. La mise en oeuvre implique bien évidemment l'action des services à Bruxelles, mais la Délégation a la plus grande partie de responsabilité du suivi. Actuellement nous sommes en phase de restructuration, mais à la fin de cette année l'organigramme comprendra une douzaine de cadres.

Pour un développement durable et le passage d'une économie de rente à une économie de production, il s'agit de développer les secteurs hors hydrocarbures. Quelles répercussions aura l'accord signé avec l'Union Européenne pour le développement de ces secteurs d'activités ?

En considérant qu'un des volets de l'accord est la mise en place progressive d'une zone de libre échange, les répercussions véritables sur l'économie algérienne se feront sentir probablement dans 5 ou 6 ans: en effet l'accord ne rentrera en vigueur qu'après le processus de ratification et étant donné que le rythme d'abattement des droits de douane est de 10% par an on peut escompter que ce ne sera qu'à partir de 2007/2008 que la baisse des droits de douane atteindra un niveau sensible (20% environ). Ce délai est théoriquement suffisant pour que les entreprises fassent leur "mise à niveau " afin de mieux affronter la concurrence externe. Notre aide, notamment dans le secteur des PME et pour la modernisation du secteur bancaire, sert justement à assister les différents protagonistes dans cette période de transition.

Le nouveau Plan Indicatif National 2002-2004 a reçu l'avis favorable du Comité Med. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce plan ? Quelle est sa mission principale et ses axes d'intervention ?

Le Programme Indicatif 2002-2004 suit et accentue la ligne du premier programme indicatif, à savoir préparer aux adaptations au futur cadre économique déterminé par l'Accord d'Association, en un mot aider le pays à son ouverture extérieure. C'est pour cela que nous intervenons par des opérations d'assistance technique auprès des différentes administrations concernées par l'accord et plus particulièrement auprès du Ministère des Finances dans les secteurs de la douane, cadastre et fiscalité. Nous comptons également intervenir dans le secteur de l'éducation pour appuyer la réforme du secteur et la coopération interuniversitaire, et contribuer aussi à la réforme de la justice visant particulièrement les tribunaux de commerce. Un montant important est également prévu pour le développement local des populations rurales (un projet vise spécifiquement les populations frappées par le terrorisme). L'ensemble de ces projets atteint la valeur de 200 millions, et nous sommes tout à fait dans les temps en matière d'engagements et de mise en oeuvre sur le terrain, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif de tout mobiliser pour 2004.

Le 6 mars 2002, vous avez annoncé la création de la première banque euro-méditerranéenne, la BEMI (Banque Euro-Méditerranéenne d'Investissement). Quels sont les objectifs de la BEMI et quels avantages offre-t-elle par rapport à d'autres institutions déjà existantes, comme par exemple la BEI (Banque Européenne des Investissements) ?

Parfois il arrive que par conviction et enthousiasme on anticipe les temps. Le projet de la BEMI a été en effet reporté par le Conseil des Ministres Européens et je ne sais pas à l'état actuel des choses quand et sous quelle forme il verra le jour. Le problème posé, et que la BEMI devait affronter, est celui de l'octroi du crédit aux PME/PMI, dont les besoins sont insatisfaits étant donné que les banques des pays du Sud de la Méditerranée ne répondent que partiellement à cette exigence essentielle.
Il s'agit de rompre ce que j'appelle le cercle vicieux du rapport banque/client. Face à un marché incertain les banques donnent du crédit essentiellement sur base de couvertures par des biens réels et c'est ainsi qu'elles ont développé une bonne capacité d'évaluation de ce type de couverture négligeant leur savoir-faire en matière d'évaluation du risque industriel. Les entrepreneurs conscients de ces situations ne présentent que des dossiers où la couverture du risque du prêt prend le dessus sur la valorisation de l'aspect industriel. La boucle est bouclée: le crédit par conséquent n'est octroyé principalement qu'à une certaine catégorie de dossiers et par conséquent l'investissement limité à des niveaux insuffisants pour le développement du pays. La BEMI aurait dû suppléer à cette carence et surtout agir en fonction pédagogique pour démontrer aux banques locales qu'il est possible et rentable de financer des bons projets même s'ils ont une insuffisante couverture réelle du risque selon le calcul traditionnel.

" L'avenir de l'Europe passe désormais par la refondation du partenariat méditerranéen, qui rassemble le Maghreb et l'Europe du Sud dans une même démarche de développement ". Voulez-vous nous commenter cette affirmation ?

L'Europe est un sujet politique et économique complexe dont l'avenir repose sur des facteurs multiples. Mais c'est aussi cette complexité qui la rend aussi dépendante d'éléments qui, sous certains aspects, peuvent apparaître moins déterminants. Du point de vue économique en effet notre partenariat avec la Méditerranée, au vu des chiffres, peut sembler peu déterminant: le PIB de tout le Maghreb atteint celui du Portugal et celui du Maschrek celui de la Grèce. Nos échanges avec la zone sont faibles. Par contre l'importance politique est beaucoup plus évidente par l'effet de proximité: il nous est impossible d'envisager notre futur sans prendre en considération ce qui se passe dans la région, juste à nos portes. La méthode utilisée pour nous assurer un espace de paix et sécurité et celui d'englober tout le monde dans le même projet, d'où la déclaration de Barcelone. C'est au cours de l'exécution de ce projet que les pays de la Méditerranée, intégrés dans l'espace européen, deviendront plus importants économiquement.

Quels sont les besoins spécifiques de la zone Méditerranéenne et quel est son rôle stratégique pour l'Union Européenne ?

Sur le rôle stratégique je crois y avoir déjà répondu. Quant aux besoins, la réponse est beaucoup plus complexe: nous avons en face de nous des pays qui ne sont pas des pays sous-développés, mais qui ont des structures modernes dont le fonctionnement est imparfait et mal adapté à l'économie de marché. Il n'y a donc pas de recettes uniques, étant donné qu'un système complexe fonctionne correctement seulement si ses multiples composantes ont un fonctionnement acceptable. Il faut donc intervenir ponctuellement dans tous les secteurs, avoir quelques moyens, beaucoup de temps et énormément de persévérance, parce que ce que nous visons avec le pays n'est pas un simple changement matériel, mais une évolution progressive des structures et des mentalités.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de votre plus grande satisfaction depuis votre nomination comme ambassadeur de l'Union Européenne en Algérie ?

Les Chefs de Délégations sont des fonctionnaires européens spécialisés dans les questions de développement, en général économistes, mais nous avons aussi des juristes ou ingénieurs. Cette fonction est née dans les années soixante en évoluant progressivement. Personnellement je suis entré dans la Commission en 1969 et j'ai travaillé dans des nombreux pays Africains occupant différentes fonctions. A Bruxelles j'ai été membre dans un cabinet d'un vice président de la Commission et j'ai dirigé un service "Analyses et perspectives ", j'ai été même chargé de la préparation du projet d'accord entre l'Union Européenne et le groupe des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique. En 1995 j'ai occupé le poste de chef de Délégation au Maroc et je suis en Algérie depuis 2001. Comme vous le voyez j'ai suivi un parcours varié mais toujours lié à nos relations extérieures.

Quel est votre message final à l'attention des investisseurs internationaux ?

Les investisseurs internationaux ont une attitude justement prudente et doivent évaluer correctement le risque. Il est indéniable, il suffit de voir les chiffres, que l'Afrique du Nord n'attire pas les investisseurs pour des raisons que nous connaissons tous. Mais il faut aussi voir dans le futur: l'économie algérienne est en transition, tout est en train de se faire et refaire: entreprises, norme, structures. Le tissu industriel y est encore faible, la demande forte et satisfaite uniquement par les importations. C'est dans ce contexte, difficile je l'admets, que l'investissement peut trouver des créneaux importants et profitables, souvent en apportant plus que des capitaux un savoir-faire. Des fortunes industrielles se sont construites dans ce pays, ce qui prouve plus que tous mes mots qu'il y a un intérêt à prospecter sérieusement les possibilités d'investissement. Et n'oublions pas que l'Algérie est un pont pour l'Europe étant donné que ses produits industriels rentrent dans l'UE libérés de tout droit de douane.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv