ALGERIA
la Nouvelle Generation














Monsieur MEDJOUBI



Interview avec

MONSIEUR MEDJOUBI
Directeur General De l’ENCC
Pourriez-vous nous décrire vos différentes activités et ce qu’est l’ENCC ?

Nous utilisons des outils de base qui sont la chaudronnerie, la mécanique, la soudure. Evidemment, nous travaillons surtout sur investissements: nous ne faisons pas de produits de série, ce qui veut dire que nous n’avons pas d’usines. Nous ne produisons pas d’équipements qui sont stockés en attendant la commercialisation et la distribution. Nous travaillons sur demande et il est clair que nous travaillons en suivant les normes internationales, surtout dans certains domaines comme les hydrocarbures, l’énergie, l’hydraulique, etc…

Dans le domaine de l’hydraulique, nous sommes l’une des rares entreprises à fabriquer les équipements hydromécaniques pour les barrages en Algérie. Avec ces appareils, nous abordons la problématique des barrages. Pour arriver à stocker de l’eau, il faut pouvoir agir sur le plan d’eau, c’est-à-dire le vider et contrôler le flux qui arrive. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gens spécialisés en génie-civil et nous adaptons nos équipements aux barrages. Lorsque je dis équipements, je parle de vannes dont nous faisons l’étude, la fabrication, le montage et la maintenance. Ce sont des murs en acier qui montent et qui descendent. Nous nous sommes donc spécialisés dans la fabrication des équipements hydromécaniques.

Donc vous réalisez l’étude, la fabrication et la maintenance ?

Ainsi que le transport et le montage. C’est très important, car un barrage est en fait une usine. Nous donnons des consignes à notre client sur le moment où il faut ouvrir ou fermer la vanne, comment l’entretenir, etc… Très souvent, pour ne pas perdre des lâchées d’eau, le client refuse d’ouvrir la vanne et quand vous avez une vanne qui est fermée pendant six mois, les dépôts de vase peuvent la coincer.

En Algérie, comme les berges ne sont pas boisées, pour un barrage neuf surtout, il faut prendre toutes les précautions d’usage pour éviter des pertes d’eau. Il faut tous les 3 à 6 mois ouvrir la vanne, pas en totalité, mais à près de 10 à 15 cm, de telle sorte que la pression étant constante, la section étant petite, la vitesse augmente pour chasser la vase qui se dépose au droit de la vanne.

Donc pour régler ce problème d’envasement de barrages, il y a deux méthodes: soit, ramener des dragues pour redévaser, soit, condamner carrément le fond et faire une surélévation des barrages pour augmenter la capacité de stockage. Dans les deux cas, cela coûte beaucoup d’argent. Je conseillerai beaucoup à nos clients de protéger les berges du barrage.

Est-ce que ce sont des clients publics ?

Il n’y a que des clients publics: c’est l’administration.

Ce secteur ne risque pas de devenir privé, puisque c’est la construction de barrages, mais travaillez-vous dans d’autres secteurs ?

Dans le secteur hydraulique, nous réalisons des stations d’épuration et de traitement des eaux. C’est une activité qui est moins complexe que les barrages. C’est avec fierté que je dis que nous avons réalisé deux stations de dessalement d’eau de mer. Il y a plusieurs méthodes pour dessaler l’eau de mer. Parmi les méthodes les plus connues et les moins chères, il y a trois types:

  • la méthode multiflash ;

  • la méthode ejecto-compression ;

  • la méthode osmose inverse.


  • Le système osmose inverse ne nous a pas trop intéressés, parce que ça fait appel à des produits manufacturés. Par contre pour le système multiflash et le système éjecto-compression, il y a eu deux clients: Sonatrach, pour le système éjectocompression, pour la zone industrielle d’Arzew, et Sonelgaz, pour la centrale électrique de Jijel, pour laquelle nous avons fourni une station de dessalement d’eau de mer avec le système multiflash.

    Ces stations de dessalement d’eau de mer font appel à des matériaux très nobles, comme l’acier inoxydable, le 304 L, l’inox, le cupronickel et le titane. Donc la difficulté pour manipuler ce type de matériau est surtout la soudure, qui est très compacte

    Les stations d’eau de mer ont des capacités énormes. L’Arabie Saoudite, pour ne citer qu’elle, vit à partir de genre de station. En Algérie, les stations de dessalement d’eau de mer sont l’une des solutions qui se présentent pour régler le problème de manque d’eau. Je dirai qu’il faudrait combiner toutes les possibilités, parce qu’il se trouve que nous reçoivons 17 milliards de mètres cubes par an et que nous ne gardons que 3 milliards de mètres cubes.

    Comment sont constituées les activités de l’ENCC et travaillez-vous avec des partenaires ?

    Au niveau de l’ENCC, il y a des produits où nous faisons toute la chaîne, comme par exemple le dessalement: l’étude, la fabrication, le transport, le montage et la maintenance. Parmi les équipements qui font appel au métier de base de la construction métallique, il y a des domaines où l’on fait les études, fabrication, transport, montage et maintenance. Il y a des domaines où nous faisons uniquement la fabrication, le montage et la maintenance et il y en a d’autres où nous faisons uniquement le montage et la maintenance puisque nous sommes sur place.

    En fait, pour les stations de dessalement, nous sommes trois partenaires:

  • le donneur d’ordre qui est Sonatrach ou Sonelgaz ;

  • le technologue pour l’éjectocompression ;

  • et nous.


  • Nous avons travaillé avec des Français, par exemple.

    Pour situer votre entreprise, comment est constitué votre groupe et quel est son chiffre d’affaires?

    Nous avons 4.000 personnes, un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de dinars, bien que je préfère vous donner un autre élément, la valeur ajoutée. Chez nous, la valeur ajoutée représente entre 60 et 70 % du chiffre d’affaires.

    Nous travaillons avec des ratios internationaux et un ratio très important pour nous est les frais de personnel par rapport à la valeur ajoutée. Cela représente entre 48 et 50 %, donc vous vous imaginez que ce ratio est significatif et que notre entreprise en est bénéficiaire.

    Depuis cinq ans consécutifs, les bénéfices varient entre 100 et 280 millions de dinars. Il y a des années meilleures que d’autres.

    Le groupe ENCC dispose de filiales et de prises de participation. Il y a 6 filiales 100 % propriété du groupe ENCC:

  • Promec, spécialisée dans les grosses charpentes, les stations de concassage. Elle est domiciliée à Annaba pour répondre au tissu industriel qui se trouve de la région.

  • Sider, à côté, pour répondre ses besoins,

  • un peu plus à l’Ouest de Annaba, Tarci, une entreprise composée de 4 unités avec 2.000 personnes. Elle est spécialisée dans tout ce qui est montage et maintenance industrielle. Elle est composée de 4 usines ou 4 bases. Une à Annaba, une à Sétif, une au Hami,z juste à côté d’Alger et une à Oran pour balayer tout le Nord algérien.

  • La troisième filiale, Alrine, spécialisée dans la grosse charpente et tout ce qui est cuverie, bacs de stockage, serrurerie.

  • La quatrième filiale, CRMetal à Blida, spécialisée beaucoup plus dans la cuverie, dans la moyenne charpente, serrurerie.
  • La cinquième filiale, Alieco, à côté de l’ENCC, elle réalise des ensembles d’équipements industriels ; hydromécanique, levage. Nous faisons aussi les appareils de levage. A ce sujet, je m’explique, cela va du pont roulant, portique roulant, poutre, tout ce qui est levage. Ce sont les installations sous pression pour le compte du domaine des hydrocarbures.

  • La sixième filiale, Chaudral, à Relizane qui fait principalement des chaudières industrielles et domestiques.


  • En termes de participation, nous avons la société Siemes, à Oran. Nous sommes en fait, 5 propriétaires: Sonelgaz, Sonatrach, une groupe Canadiens et un autre Espagnol. Nous avons une prise de participation bien que l’usine nous appartienne. Nous détenons une partie du capital qui s’élève à 34 % du capital. Elle est spécialisée dans tout ce qui est sous-pression, travaillant beaucoup pour le compte du domaine des hydrocarbures.

    La deuxième prise de participation, la société Cotants, en association 50 %, 50 % avec Batimétal. C’est une société qui a été créée afin d’essayer de réaliser tous les approvisionnements en acier pour le compte de Batimétal et de l’ENCC. Dans un second plan, afin de produire ce qui ne est pas fabriqué en Algérie, tels que les profilés et l’acier marchand.

    Voilà d’une manière assez sommaire la constitution du groupe ENCC.

    Par exemple, pour les entreprises étrangères en l’occurrence asiatiques qui voudraient s’implanter en Algérie, qui auraient un projet, pouvez-vous être un interlocuteur pour une partie de la réalisation du site ?

    Non seulement, nous pourrions l’être, mais nous l’avons déjà été.

    Est-ce que dans cette perspective du travail qui met en relation des entreprises qui souhaitent investir, dans quelles mesures vous pouvez être un partenaire ? Que recherchez-vous, des connaissances techniques nouvelles?

    Avant de parler de ce type de partenariat, je voudrais préciser un petit élément. Vous savez qu’au niveau du groupe ENCC, nous avons filialisé. Mais nous nous sommes fixé quatre principes pour accéder à de nouvelles technologies.

    Alors je m’explique, je ne fais pas allusion au transfert technologique, c’est-à-dire qu’on nous apprenne à travailler, mais je parle de nouvelles technologies, comme l’informatique, qui nous permet de gagner du temps. Nous souhaitons le généraliser pour gagner dans la qualité, et surtout, dans le temps. Dans l’industrie, tous les ratios de nos réalisations sont en fonction du temps. Si vous devez réaliser une pièce en 10 heures et que vous la réalisez en 2 heures, le gain est énorme.

    Notre premier principe est d’accéder à de nouvelles technologies.

    Le deuxième principe de la filialisation est d’accéder à de nouvelles ressources financières. L’argent est le nerf de la guerre.

    Le troisième principe, qui découle de source, est d’augmenter la part de marché. Quand vous avez une bonne technologie et des ressources financières, vous ne pouvez qu’augmenter votre marché.

    Le quatrième principe est le partage des risques. Pourquoi voulez-vous que je modernise mes équipements, que j’injecte de l’argent, que j’essaie d’augmenter ma part de marché, si je prends les risques seul ?

    Alors pour revenir à la question dont vous parliez tout à l’heure, il faut savoir que nous avons travaillé pratiquement avec tous les pays du monde: Japonais, Italiens, ex-URSS, Français, Espagnols, Américains, Allemands, Anglais et ce, depuis plusieurs années. Nous avons participé quelque part à tous les projets en Algérie. A l’époque, il y avait beaucoup d’entreprises étrangères qui avaient le marché et qui sous-traitait chez nous. Ils faisaient toutes les études, la coordination et le contrôle des avancements des travaux à l’intérieur de nos ateliers et nous faisions la fabrication. Nous avons donc de l’expérience.

    Pour revenir aux Japonais, nous avons travaillé avec JVC et nous travaillons encore avec eux sur les champs pétroliers algériens. Nous avons travaillé aussi avec Mitsubishi, toujours dans le domaine des hydrocarbures. Nous avons travaillé avec CIETO, dans le projet aluminium de M’Sila. Toutes les réalisations de cette usine ont été réalisées dans nos ateliers. L’expérience est déjà établie.

    Nous nous battons pour réduire nos coûts, car nous n’avons pas beaucoup de difficultés pour le moment, mais cela risque d’arriver, surtout sur le plan montage. Les équipements peuvent être fabriqués ailleurs. Mais nous disposons d’une force de frappe assez importante, qui est composée de 80 engins à peu près, des grues qui vont de 10 - 12 tonnes à 350 tonnes. Nous avons des équipements sur place et pouvons faire la maintenance.

    Une fois le projet fait, terminé et réceptionné, il peut avoir des problèmes de maintenance ordinaire et nous sommes sur place pour intervenir. Très souvent nous intervenons sur des projets qui ne sont pas faits par nous ni sur le plan fabrication, ni sur le plan montage.

    Comment est-ce que les réformes en Algérie peuvent toucher les groupes de l’ENCC. Pouvez-vous donner plus d’informations ?

    Tout le monde parle de privatisation. Je donne la priorité au partenariat avec les entreprises qui font un petit peu le même job que nous. Le marché algérien est un marché très porteur. D’ailleurs, nous pouvons parler du marché méditerranéen parce qu’avoir aujourd’hui une usine avec une assiette de terrain de 30 hectares, avec un atelier de 5 hectares couverts, équipé de ponts roulants et d’équipements, même en Europe, ce n’est pas évident. Nous avons de grosses capacités aujourd’hui qui peuvent être utilisées pour faire les équipements industriels, d’une manière assez vaste.

    Quel est votre parcours professionnel ?

    Je suis ingénieur de formation en hydrocarbures. Je suis à ma 25ème année dans cette entreprise. J’ai commencé en tant qu’ingénieur d’études pendant 10 ans, puis j’ai passé 5 ans à la production dans l’une des usines de l’ENCC. J’ai passé 4 ans à la tête d’une unité de production, j’ai passé encore 4 ans en tant que directeur commercial du groupe ENCC pour me retrouver finalement à la tête du groupe ENCC depuis 1998.

    Quand je parle de l’ENCC, j’en parle avec passion ce qui a des avantages et des inconvénients: vous n’êtes pas rationnel et cela peut vous jouer des tours.

    Toutes les affaires ne se déroulent pas comme nous le souhaitons mais quand elles marchent, vous êtes touché dans votre amour propre. L’un des meilleurs compliments que j’ai reçus au sein de cette entreprise est lorsqu’un client m’a demandé, à la fin d’un projet, si nous étions publics ou privés ? Cela m’a fait plaisir, mais je n’ai pas répondu à cette question.

    Ce qui est avantageux dans notre groupe est que nous sommes beaucoup de collègues à avoir fait la même promotion et que nous travaillons dans une ambiance plaisante. Nous avons pu maintenir cette culture et la développer lorsque nous avons hérité de certaines usines comme Arline ou Alico. Ce qui est à inscrire à notre actif est d’avoir pu maintenir l’ambiance, la tradition et notre façon de faire.

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    © World INvestment NEws, 2002.
    This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
    November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv