ALGERIA
la Nouvelle Generation

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Monsieur Abdelhamid Temmar

Interview avec

ABDELHAMID TEMMAR
MONSIEUR LE MINISTRE DU COMMERCE


 
Comme première question, je pense que nos lecteurs seront intéressés de faire le point sur l'état d'avancement des négociations de l'adhésion de l'Algérie à l'O.M.C. Quels sont les points d'achoppement et où en est le dossier aujourd'hui ?

Non, il n'y a pas de point d'achoppement, mais au contraire, ça va très vite.

Pour expliquer cette histoire d'achoppement et d'aller vite, je citerai peut-être le délégué de l'Union Européenne qui était avec nous à Genève lorsque nous avons présenté notre mémorandum il y a deux ou trois semaines qui disait: " Je vois avec satisfaction que l'Algérie non seulement remplit les conditions, mais va encore plus vite que nous ". C'est la réalité, nous avons fait jusqu'à maintenant des réformes et de bonnes réformes, c'est-à-dire des réformes qui répondent tout à fait à ce souci de libéralisation et d'ouverture ; Toutes les nouvelles lois que nous avons adoptées sont des lois qui correspondent au souci d'ouvrir le pays, de le libéraliser, de promouvoir l'échange international.

En ce qui concerne le processus d'adhésion, tout va bien et il a déjà commencé. Quel est ce processus ? Nous présentons d'abord un mémorandum qu'il faudra défendre et qui présente la politique commerciale et économique du pays, puis ensuite il est défendu devant nos partenaires qui sont réunis dans le cadre d'un groupe de travail " working party ". Notre groupe de travail est présidé par l'ambassadeur Del Castillo qui est une personnalité d'un très grand professionnalisme et surtout d'une très longue expérience. Après le mémorandum, si tout va bien, les négociations avec les différents partenaires qui font partie de ce " working party " peuvent commencer. Ce groupe de travail est une façon commode de réunir les principaux partenaires, mais n'importe quel pays peut, à tout moment venir.

Nous avons 43 pays avec lesquels nous devons discuter, parmi lesquels un 30eme étaient présents à Genève. C'est une affluence record et nous avons eus de longues discussions. Il faut dire que j'ai été extrêmement satisfait de cette réunion, d'abord parce que l'on nous posait de bonnes questions, en plus, j'avais une équipe de 40 fonctionnaires remarquables dans leur professionnalisme et leur technicité et, troisièmement, parce que les questions posées sur le mémorandum ont dépassé ce dernier et étaient déjà des questions de négociations. Il a fallu que l'ambassadeur d'El-Castillo arrête les discussions puisque nous n'étions qu'en mémorandum. Ceci pour vous dire comment les choses sont allées vite.

En ce qui concerne les négociations, il n'y a pas que nous qui décidons. Il y a nous et les partenaires. Pour notre part, nous devons donner les informations aussi complètes et aussi rapides que possible et c'est au partenaire en somme de réagir. Comment et quand vont-il réagir ? C'est une chose difficile à dire, mais d'une manière générale, le premier round de discussions commencera avec nos partenaires fin avril.

Nos partenaires principaux il faut le dire, sont essentiellement l'Union européenne pour la partie services, qui est une marchandise que nous avons déjà réglé avec l'UE, les Etats-Unis, le Japon et la Turquie. Avec ces quatre pays nous avons couvert les 80 % des nos relations commerciales. Ces partenaires nous ont tous montré une très grande sympathie pour notre pays surtout, pour reprendre un peu les termes qu'a employés le représentant américain pour dire: " l'O.M.C. sans l'Algérie, ce n'est pas l'O.M.C. ". Ce qui revient à dire que nous disposons d'un potentiel d'intérêt.

Evidemment, en matière commercial, l'intérêt politique, c'est bien, mais les négociations sont d'une autre nature qui, évidemment sont très calmes, très sereines et très ouvertes.

Il y a aussi le rapprochement avec l'Union européenne, en ce qui concerne l'accord qui a été signé, comment le conciliez-vous avec l'ouverture vers les Etats-Unis, notamment l'accord-cadre avec les Etats-Unis pour le développement du commerce ?

Oui. Puisque c'est moi-même qui l'ai signé avec M. Soulek, qui est le chef négociateur du gouvernement américain.

Qu'est-ce que l'O.M.C. ? L'O.M.C., est un cadre où vous fixez vos relations commerciales avec les différents pays et, tout ce que vous accordez à un pays s'étend automatiquement aux autres pays, ce que l'on appelle la clause des nations la plus favorisée. Cette clause des nations autorise des exceptions. Une des exceptions majeures, c'est les zones de libre-échange. Dans la mesure où l'Algérie ou tout autre pays fait partie d'une zone de libre-échange, ce qui est décidé dans cette zone ne s'applique pas automatiquement aux autres pays, c'est une affaire dans le cadre de cette même zone. Or, l'Union européenne est une zone de libre-échange et donc, tout ce que nous pouvons décider avec notre partenaire européen n'est pas extensible forcément aux autres partenaires avec lesquels nous allons négocier.

Evidemment, les autres partenaires souhaiteraient avoir au moins les mêmes facilités que nous accordons à l'Union européenne, mais évidemment avec l'UE, c'est très différent: nous n'adhérons pas, nous négocions avec un partenaire, ce que nous donnons, nous l'avons en contrepartie automatiquement. Dans le cas où nos partenaires seraient décidés à nous donner une contrepartie, nous verrons alors comment les choses évolueront.

Ce que nous avons décidé avec l'Union européenne est une chose qui est insulaire par rapport à l'O.M.C., mais nous n'avons quasiment rien négocié avec l'UE en ce qui concerne les services. Ces services seront négociés dans le cadre de l'O.M.C. aussi bien avec le partenaire européen qu'avec tous les autres partenaires.

Pour en venir à un deuxième point qui concerne la structure du commerce extérieur de l'Algérie, très dépendante des hydrocarbures, vous avez cité dans une interview qu'il y avait 140 à 150 produits qui étaient prêts à affronter la concurrence, comment comptez-vous mener cette diversification du commerce extérieur algérien et quels sont ces produits qui, selon vous sont prêts dès aujourd'hui à être exportés pour cette concurrence ?

Les produits que nous exportons sont relativement différents des produits que l'on peut trouver dans les pays voisins de la région. Nous pouvons exporter des camions, des motopompes, des moteurs, etc., indépendamment de la datte, du vin, de l'eau minérale, des produits agroalimentaires, etc…

Le problème est qu'évidemment nos produits industriels ne sont peut-être pas les plus compétitifs du point de vue de la technologie. C'est la raison pour laquelle tout le problème de la diversification chez nous se joue au niveau même d'une politique de promotion du commerce extérieur, mais d'une politique de mise à niveau.

Nous avons déjà fait une longue étude avec l'appui de l'ONGTAB qui indique ce que le gouvernement devrait faire, mais évidemment le problème n'est pas ce que le gouvernement devrait faire, mais ce qu'il peut faire. Et là, c'est à l'entreprise d'agir avec l'aide du gouvernement pour la pousser et c'est à l'entreprise de trouver ses propres marchés et, surtout de se mettre à niveau pour avoir la capacité de concurrence, de compétition nécessaire pour agir sur le plan international et aller vers la confrontation.

C'est cet aspect-là de la politique du gouvernement que nous souhaitons maintenant mettre en œuvre. Cette politique a été pensée dans le cadre d'un texte mais qui est totalement dépassé par l'approche qui est une approche d'entreprise et pas une approche d'Etat. L'Etat n'a plus rien à voir sur l'action économique directe mais il peut certainement aider. Dans ce cadre là, ce que nous allons faire, puisque les lettres sont déjà parties, c'est de nous réunir avec les hommes d'affaires privés, les entreprises publiques dans la mesure où elles sont compétitives ainsi que les syndicats, ce qui va se faire bientôt.

Il s'agira de réaliser un policy paper que j'irai présenter au gouvernement pour le défendre. Mais ce n'est pas sous cet angle que ce problème doit être pris. Le problème du commerce international est d'abord problème d'entreprise avant d'être un problème d'Etat.

La modification de l'ordonnance sur les tarifs douaniers peut créer un choc concurrentiel que certaines entreprises pourraient avoir du mal a supporter, envisagez-vous de mettre en œuvre un système plus transitoire pour les entreprises ?

C'est une décision que nous avons prise sans y être obligés. Le gouvernement a estimé que, dans le cadre de son ouverture sur le plan international, il fallait rationaliser un peu notre système tarifaire qui était très irrationnel pour des raisons historiques. Le système tarifaire était très confus, avec des choses absolument illégales comme la valeur administrée qui veut dire que lorsqu'un bien rentre et ceci, pour un certain nombre de produits bien établi, un douanier pouvait estimer qu'il devait taxer à 1000 % parce que la déclaration n'était pas correcte. Maintenant, tout cela a disparu pour laisser la place à un système plus clair, net et précis. Pour défendre certains produits, nous avons établi ce que l'on appelle un droit additionnel provisoire qui remplace cette valeur administrée mais qui n'est pas supérieur à 60 % et, qui de toute façon, disparaîtra dans cinq ans. La première tranche a disparu, nous sommes déjà à 48 % cette année et on continuera jusqu'à disparition. Ceci, est un système tarifaire qui est beaucoup plus libéral que celui des pays de la région, tels que le Maroc, la Tunisie, l'Egypte ou même peut-être la Grèce.
Qu'est-il concernant le problème de la modernisation des ports ou des programmes de modernisation des infrastructures ?

Ce n'est pas tellement les infrastructures. Il y a toujours et comme dans tous les pays du monde des infrastructures à améliorer, mais le problème de ports est un problème de gestion. Nous nous concentrons non pas sur les infrastructures proprement dites, mais sur la gestion des ports. De ce point de vue-là, c'est certainement une faiblesse extrêmement importante que regrettent tous nos exportateurs et encore plus le gouvernement.

Nous discutons justement sur le changement institutionnel des entreprises qui gèrent les ports de manière à séparer la gestion proprement Etat de la gestion commerciale pour normaliser les rapports de l'entreprise avec les ports, de manière à ce que nos exportations se fassent plus rapidement. La gestion de ces ports est ma préoccupation parce que précisément, nous avons des problèmes de promotion de commerce extérieur et beaucoup de nos exportateurs souffrent des incohérences de la gestion des ports. De ce point de vue-là, je pense que, dans les mois qui viennent, les décisions qui ont déjà été prises seront mises en œuvre.

Nous évoquions tout à l'heure la présence d'investisseurs asiatiques, notamment coréens. Quel serait le message que vous souhaiteriez adresser à ces entreprises et à ces investisseurs à propos de l'Algérie, des possibilités d'échange?

Il faut dire ce qu'il faut dire. L'Algérie, pour une raison ou pour une autre (des raisons historiques je dirai bien connues), a une image de marque qui n'est pas la meilleure sur le plan international.

Les investisseurs américains, notamment dans le domaine des pétroles connaissent maintenant l'Algérie. Ils savent très bien de quoi il s'agit, ils savent que les problèmes sécuritaires sont maintenant tout à fait secondaires et maintenant en voie de liquidation totale et complète depuis le 11 septembre. Les investisseurs arabes eux aussi, connaissent très bien notre pays. Ils n'ont pas de problèmes avec la sécurité, mais avec notre administration, parce que l'esprit des deux administrations ne sont pas les mêmes. Mais, les Asiatiques connaissent fort peu notre pays en dehors de quelques avancées très limitées à certains secteurs. Les Coréens fonctionnent chez nous comme des commerçants. Il faut les convaincre de passer au plan de l'investissement.

Vous vous plaigniez du fait que Daewoo n'ait pas une usine mais se contente d'écouler ses produits en Algérie

Oui. Au moins d'entretien et de montage. Il est clair que je ne peux pas comprendre qu'un marché aussi important que le marché algérien du point de vue de la voiture et que des ventes si importantes se fassent du côté coréen sans, que par ailleurs on ne prévoit quand même une installation beaucoup plus pérenne ici.

D'une manière générale, les Asiatiques ne nous connaissent pas beaucoup. Ils ont une vision de l'Algérie qu'ils lisent à travers la presse, mais l'important c'est qu'ils puissent connaître la situation algérienne telle qu'elle est.

En ce qui concerne le Japon par exemple, les choses commencent à se mettre en place. Pendant longtemps les Japonais ont été très présents chez nous, surtout du point de vue investissements. Il est vrai que pendant la période difficile que notre pays a vécu, ils se sont retirés mais, maintenant ils reviennent.

En ce qui concerne la Corée, et après ma récente visite à Séoul, je crois que nous allons redémarrer nos relations.

Pour la Malaisie, les choses démarrent, je devais m'y rendre mais le rendez-vous a été retardé. Je tiens à vous dire que se sont nos principaux partenaires pour l'Asie du Sud-Est.

L'Inde est extrêmement importante pour nous, parce qu'elle offre des produits de bonne qualité à un prix très intéressant et il est clair qu'elle dispose d'une technologie qui est tout à fait adaptable chez nous. Nous sommes en discussions sur trois ou quatre projets dont la SNVI (Société nationale des véhicules industriels) pour un partenariat. Mais, l'Inde, pour nous et surtout dans le cadre de l'O.M.C. est évidemment un pays extrêmement important.

En ce qui concerne tous ces partenaires, il s'agit de leur dire d'abord de venir afin de pouvoir rencontrer nos hommes d'affaires, essentiellement privés et ensuite publics pour voir ensuite notre programme de participation, si la privatisation les intéresse, sinon l'investissement direct est aussi bon.

Enfin notre nouvelle loi sur l'investissement qui est très bien faite, et elle va dans le sens de la rationalité de l'ouverture d'une manière générale.

Voilà un peu le message que l'on peut transmettre et ce n'est pas le seul.

Il est clair que notre politique économique est une politique qui, depuis quelques mois, s'infléchit. Pour nous, la privatisation, la restructuration du secteur public industriel était l'essentiel. Nous nous apercevons maintenant que ceci est réglé et que le programme de privatisation est en place et va suivre son chemin. Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup de réactions, nous mettons peut-être trop l'accent sur la transparence, c'est-à-dire que nous ne voulons pas céder nos entreprises de gré à gré, directement avec l'un ou l'autre, mais nous souhaitons que tout notre patrimoine national, s'il devait se privatiser, le soit dans un cadre transparent, par appels d'offres, concours, etc. Ceci gène les opérations incontestablement.

Et donc, l'une des questions que nous allons aborder de ce point de vue-là sera vraisemblablement comment autoriser le gré à gré dans nos opérations de privatisation et quelles sont les précautions que l'Etat doit prendre pour défendre les intérêts de notre pays, ça c'est le premier point.

Deuxième point, par delà le secteur public qui va suivre son cours, ce qui nous intéresse maintenant, c'est le secteur privé. Notre arme absolue maintenant devrait être le secteur privé, celui que nous avons est un secteur encore très jeune, qui n'est pas mature. Certaines entreprises sont excellentes, elles ont pu pousser d'une manière systématique. D'autres restent encore relativement faibles et, de notre point de vue, nous nous interrogeons: que pouvons-nous faire avec le secteur privé pour lui donner les moyens de grandir, d'être efficace et d'aller au commerce extérieur ? C'est exactement cette politique sur laquelle je m'attache maintenant d'une manière systématique avec d'autres collègues du gouvernement, afin d'avoir un policy paper d'ensemble qui permette ainsi au gouvernement de voir clair dans cette politique et de prendre les décisions qui seront nécessaires pour pouvoir toucher le secteur privé.

Vous savez quelle est notre politique du point de vue de la dépense publique, nous faisons tout afin que ces déséquilibres budgétaires n'existent pas et, jusqu'à maintenant, depuis deux ans, nous avons un surplus budgétaire bien que nous ayons décidé de dépenser 7 milliards et demi de dollars pour le développement local, pour la relance d'emplois, pour lutter contre la pauvreté. Malgré ces dépenses, nous sommes toujours dans une approche de budget équilibré. Moi, je n'ai pas de problème avec le déséquilibre au contraire, je suis très libéral et je crois que le déséquilibre est très important lorsqu'il s'agit de lancer une activité économique ou de relancer l'économie et, de ce point de vue, je pense qu'une très bonne initiative de l'Etat est d'appuyer le secteur productif, notamment privé pour sa mise à niveau et qu'il commence à partir de l'avant.

Maintenant, lorsque vous dites que nos exportations hors hydrocarbures sont faibles, elles sont de l'ordre de 2 ou 3 %, cela ne signifie rien, parce que une valeur relative est une valeur relative. C'est la raison pour laquelle je pense, que, tant que le pétrole occupe la place qu'il a dans notre économie, nos exportations hors pétrole seront toujours, en pourcentage faibles. Ce que nous voulons évidemment, c'est qu'en termes de dollars exportés les choses deviennent plus importantes. Bien que par le passé nos gouvernements aient fixé des objectifs en milliards de dollars, il n'y a rien à fixer a priori, il faut se mettre au travail et nous verrons bien ce que nos entreprises seront capables de faire. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs je veux absolument avoir une discussion dans le fond avec les entreprises privées parce que c'est celles-là qui vous donnent le visage de l'Algérie de demain.

Si vous demandez le message à transmettre à l'Asie ou aux opérateurs asiatiques en tant que ministre, je peux lancer tous les messages, mais vous savez, un opérateur ne croira que son homologue parce que lui, fait des dollars, son homologue en fera aussi et il comprendra très bien ce que son homologue voudra dire beaucoup plus que moi, parce que moi, mes intérêts sont des intérêts d'ordre politique beaucoup plus que des dollars. Voilà un peu le conseil que je donne.

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© World INvestment NEws, 2002.
This is the electronic edition of the special country report on algeria published in Far Eastern Economic REVIEW.
November 28th, 2002 Issue. Developed by AgenciaE.Tv